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Saminya Bounou a dĂ©posĂ© ses bagages Ă Al-watwan en 1999 Ă la suite dâun concours national pour recruter des journalistes. Auparavant, elle a eu Ă travailler Ă lâhĂŽtel Galawa «oĂč le travail commençait Ă ĂȘtre ennuyant».
Parfaitement trilingue â shikomori, français et anglais â elle a eu aussi Ă ĂȘtre professeur dâanglais. Mais son vrai mĂ©tier, celui qui la caractĂ©risait le mieux Ă©tait le journalisme.Â
Soucieuse de la santĂ© mĂšre-enfant et de lâĂ©ducation, câest tout naturellement quâelle se dirigera vers cette rubrique. TrĂšs vite, elle aura la maitrise de ses dossiers. Elle ne les quittera que plus tard.
A Al-watwan, elle aura gravi tous les Ă©chelons. De cette grande maison de la presse comorienne, elle connaissait tout. De lâhebdomadaire au quotidien en passant par Al-watwan magazine. Puis elle quittera votre journal un peu moins de quatre ans pour Al-balad, entre 2008 et 2012, avant dây revenir.
A son retour, forte dâune expĂ©rience plus importante, elle sera Ă©lue rĂ©dactrice en chef, poste quâelle occupera avec brio durant trois ans de 2012 Ă 2015. Elle aura, quelques temps aprĂšs, Ă prendre sous son aile, les nouvelles recrues qui auront intĂ©grĂ© comme elle, le journal Ă la suite dâun concours.
Elle nâhĂ©sitait pas Ă faire refaire un «papier»*, plusieurs fois. Et elle disait : «le papier nâest pas mal, mais il aurait Ă©tĂ© mieux siâŠÂ» Ou encore : «Oui, tu sais, ton article est bien mais tu peux faire mieux», disait-elle dans son bureau, parfois entourĂ©e de ses garçons. Et on nâavait plutĂŽt pas intĂ©rĂȘt Ă rouspĂ©ter.
 Coups de gueule mémorable et éclats de rire magnifiques
AprĂšs avoir Ă©tĂ© la premiĂšre rĂ©dactrice en chef, elle sera grand reporter et chef de la rubrique politique. Elle aura, du mieux, quâelle pouvait, couvert la premiĂšre partie des Ă©lections prĂ©sidentielles de 2016.
Saminya, câĂ©tait aussi une dame de fer, pas toujours dans un gant de velours. Elle Ă©tait «cash», disait ce quâelle pensait, pas en apartĂ© mais toujours en pleine «confĂ©rence de rĂ©daction**» qui se souviendra encore longtemps de ses mĂ©morables coups de gueule.
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Et de son rire lĂ©gendaire car Saminya câĂ©tait, aussi, un magnifique sourire et des pommettes hautes comme dessinĂ©es Ă la serpe et qui dĂ©finissaient son fort caractĂšre.
Le regard vif, pĂ©tillant, elle faisait attention Ă tout. Refusait de se faire mener en bateau et recoupait son information autant de fois quâil le fallait.
Ses collĂšgues se souviennent dâelle, comme dâune femme rigoureuse, attentive, soucieuse dâapprendre encore et toujours. Ils se souviennent dâune femme de caractĂšre, soucieuse de lâĂ©mancipation du sexe dit «faible». Saminya Bounou Ă©tait la preuve vivante que la femme Ă©tait tout sauf faible. Dâune impertinence salutaire.Â
«Samy» Ă©tait surtout une femme de conviction. Câest dâailleurs parce quâelle Ă©tait convaincue que la femme comorienne, en gĂ©nĂ©ral, et la femme journaliste, en particulier, devait se dĂ©barrasser de ses carcans quâelle crĂ©era avec dâautres consĆurs lâAssociation des Femmes Comoriennes de la Presse (Afcp) en 2013 dont elle sera la prĂ©sidente durant deux ans.
Hommages
Au cours de sa mandature, elle aura organisé plusieurs conférences et débats avec le concours de beaucoup de personnalités comme le docteur Oulédi, le président des consommateurs Mohamed Saïd Abdallah Mchangama, toujours centrés sur le rÎle de la femme, son parcours en politique, son combat.
Elle aura aussi initiĂ© des formations Ă lâendroit des femmes journalistes en vu de renforcer leurs capacitĂ©s. Saminya voulait briser le plafond de verre. Et elle y est parvenue sur bien des points.
Les hommages pleuvaient hier sur Facebook et les blogs comoriens. Tous ont saluĂ© sa mĂ©moire, sa tĂ©nacitĂ©, sa plume, son courage. Abdallah Mzembaba (journaliste depuis 2012) Ă©crira sur Facebook : «plus quâun mentor, plus quâune collĂšgue, plus quâun chef, tu as Ă©tĂ© une source, une bouĂ©e et un refuge pour moi».
Abdallah Mzembaba ne sera pas le seul Ă lui rendre hommage sur le cĂ©lĂšbre rĂ©seau social. Outre les personnes issues de la profession, qui toutes ont adressĂ© un message de soutien Ă la presse comorienne qui perd une de ses plumes les plus vaillantes, Ă son mari journaliste comme elle, lâancien ministre Dini Nassur dira de la disparition de Saminya Bounou : «une belle plume cassĂ©e, un beau sourire Ă©teint, une femme de conviction perdue».
Saminya Ă©tait aussi la femme de Mohamed Hassani, journaliste et ancien de la maison, avec qui elle a deux merveilleux enfants. Va, nous ne tâoublions pas.
* article du journaliste
** rĂ©union des journalistes au cours de laquelle sont dĂ©cidĂ©s les articles Ă paraitre dans lâĂ©dition du jour
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«Samy», tu tâen es allĂ©e, mais tes souvenirs te survivront
Elle vient de nous quitter, mardi 16 mai 2017. «Samy», comme on lâappelait affectueusement, Ă©tait ma consĆur et mon amie. Mais pas tout : elle Ă©tait aussi ma grande sĆur, celle qui conseillait, qui grondait, mais qui savait aussi apaiser.
«ChĂšre Samy, je suis persuadĂ© que si Dieu tâa rappelĂ© Ă lui si tĂŽt, câest parce quâIl te rĂ©serve une place parmi ses prĂ©fĂ©rĂ©s. Que dire? Si ce nâest que ton dĂ©part laisse un grand vide que rien ni personne ne peut combler. Des souvenirs et encore des souvenirs reviennent.
Des moments de partage, de discussions, de silence me reviennent. Je me souviens, notamment, de cette nuit blanche que nous avons passĂ©e ensemble Ă papoter comme de vielles copines Ă lâaĂ©roport de Nairobi, lors dâun transit au Kenya. CâĂ©tait en 2011, nous nous rendions en formation au SĂ©nĂ©gal.
Nous avions choisi de passer cette nuit ensemble Ă lâaĂ©roport au lieu dâaller Ă lâhĂŽtel. Cette nuit lĂ , jâai appris beaucoup de chose sur toi, sur la vie, sur notre mĂ©tier, le journalisme. Tes conseils mâont Ă©tĂ© dâune grande importance.
Cette nuit lĂ , jâai connue une sĆur, une grande sĆur, qui mâa fait voir et savoir dâautres facettes de la vie. Aujourdâhui, je revois encore ces moments passĂ©s ensemble. Depuis, un regard suffisait pour nous comprendre car au cours de cette longue rencontre, une complicitĂ© Ă©tait nĂ©e entre nous.
Je revois en dĂ©tails, tes efforts, tes soucis, pour rĂ©unir les femmes journalistes pour promouvoir la place de la femme dans les mĂ©dias, dĂ©fendre et protĂ©ger les femmes journalistes dans lâexercice de leur profession en vue de promouvoir la libertĂ© de la presse, ce combat que nous avons menĂ© ensemble.
En effet, soucieuses dâamĂ©liorer les conditions de travail des femmes journalistes et convaincues que rĂ©unies en association elles pourraient mieux Ćuvrer pour la promotion de la femme comorienne, en gĂ©nĂ©ral, et de la femme journaliste, en particulier, nous avons crĂ©e en 2013, lâAssociation des femmes comoriennes de la presse. Notre mission, notre combat continu.
ChĂšre sĆur, repose en paix. Les bonnes choses que tu as donnĂ©es aux autres te serviront, jâen suis certaine, lĂ -bas et une meilleure place tâest rĂ©servĂ©e lĂ haut. De cela, je nâen doute pas !
Mais, je ne peux cacher combien je suis affligée de ta disparition».
Abouhariat SaĂŻd Abdallah
LES CONDOLEANCES DU PRESIDENT DE LâUNION DES COMORES
Le prĂ©sident de lâUnion des Comores, SEM AZALI Assoumani a appris avec tristesse et une profonde douleur, la disparition survenue ce mardi 16 mai 2017 Ă MohĂ©li, de la premiĂšre femme RĂ©dactrice en chef du journal dâEtat «Al-watwan», la journaliste Saminya Bounou, fondatrice de lâassociation des femmes journalistes comoriennes.
Avec cette disparition, le pays perd une journaliste de principe, engagée, combattive et courageuse.
Le Chef de lâEtat, SEM AZALI Assoumani, touchĂ© par cette terrible nouvelle, prĂ©sente ses condolĂ©ances Ă la presse nationale et au journal Al-watwan.
Il partage le deuil avec la famille de la défunte, ses proches et amies et son époux, le journaliste Mohamed Hassani.
Le chef de lâEtat, SEM AZALI Assoumani, prie Allah Le-Tout-Puissant, pour quâIl accorde Ă la regrettĂ©e disparue, Sa MisĂ©ricorde et Son pardon et lui rĂ©serve comme demeure, Son paradis eternel.Â
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