Lundi 10 avril dernier, la présidence de la République a publié un communiqué dans lequel elle revenait sur l’opération « Wuambushu » prévue pour se dérouler sur l’île comorienne de Mayotte à compter du 20 avril prochain. Cette opération est décriée par Moroni qui y voit «une violation grave du droit international», Mayotte étant comorienne. Elle va «à l’encontre du respect des droits humains et risque de porter atteinte aux bonnes relations qui unissent les deux pays».
«Dialogue et concertation»
Cette démarche entreprise par Paris «surprend» car «un dialogue apaisé s’est établi entre les Comores et la France depuis une vingtaine d’années, et une coopération dense et fructueuse s’est également développée entre ces deux pays amis», poursuit le communiqué.De plus, «il faut souligner que depuis l’annonce de cette opération, les associations de la société civile, aussi bien comoriennes que françaises, pour ne citer que celles-là, ont, dans leur diversité, manifesté leur opposition à ce projet, dénonçant non seulement les conditions de sa préparation, mais aussi les séquelles qu’elle laissera et le précédent qu’elle créera », lit-on dans le communiqué. Par conséquent, «soucieux d’entretenir la bonne qualité des liens séculaires qui unissent les Comores et la France et de contribuer à la préservation de la paix et de la stabilité dans la région de l’Océan Indien et sur le continent africain, le gouvernement comorien interpelle sur le danger d’une telle opération et demande aux autorités françaises d’y renoncer».
Moroni demande donc à Paris de «privilégier le dialogue et la concertation» avec elle, mais aussi avec les pays ayant des ressortissants en situation illégale sur le sol comorien de Mayotte.Suite à cette sortie du palais présidentiel, de nombreuses réactions ont eu lieu, notamment au sein de la classe politique et de la société civile. L’ancien candidat à la présidentielle de 2019 et président du Ridja, Saïd Larifou, estime que «la crise mahoraise est très complexe en ce qu’elle touche à la souveraineté internationale des Comores. Le communiqué du gouvernement est très ambigu et ne dissipe pas les inquiétudes et la colère légitime des Comoriens face à la turpitude et l’ambiguïté des autorités comoriennes qui, dans ce dossier, n’ont jamais fait preuve de sincérité et s’en servent comme d’un instrument de chantage politicien».
Faire preuve de plus de fermeté
Pour l’avocat au barreau de Moroni, «il est temps qu’Azali Assoumani, garant des institutions constitutionnelles, de la souveraineté des Comores et des intérêts de l’Afrique, prenne la parole et s’adresse solennellement aux Comoriens et aux Africains».L’ancien ministre, Dini Nassur, parle lui d’un «communiqué trop timoré pour l’enjeu en question. On se rend compte que le gouvernement fait preuve d’amateurisme dans le sens où il semble être étonné de la tournure des événements, alors qu’Azali a été informé d’avance par Macron. Le retard accusé pour réagir à cette agression en dit long sur la position amorphe du gouvernement».
«Ce communiqué est une forme d’expression forcée et il ne transmet aucun message d’engagement ni de combativité dès lors qu’il s’agit de notre souveraineté nationale et de la vie d’une partie non négligeable de notre population. Il manque également une fermeté sur le refus d’accueillir les victimes de la rafle annoncée. Il aurait fallu qu’il soit compris qu’aucune collaboration exigée n’est envisageable», conclut l’écrivain et président d’honneur du mouvement Naribarikishe yi Komori.
Le mouvement de la société civile Ngo’Shawo, à travers son président, abonde dans ce sens et fait savoir que le communiqué «est en deçà de ce que nous attendons du gouvernement. Il faut qu’il se démarque de la société civile et prenne des mesures drastiques consistant à empêcher cette opération . Moudjib Mohamed Saïd dénonce le visa Balladur et dit ne pas comprendre pourquoi des Comoriens sont empêchés de se rendre à Mayotte alors que dans le même temps, Moroni accepte le retour à Anjouan de plusieurs dizaines de Comoriens. «Il ne manquerait plus qu’on envoie l’armée comorienne s’allier à l’armée française pour pourchasser les compatriotes sur l’île comorienne de Mayotte vers les trois autres îles sœurs».
«Exiger la suppression du Visa Balladur»
Le Comité Maore affirme quant à lui «cette sortie est une bonne chose, car l’expression des autorités est importante». Me Youssouf Ismael Atiki va plus loin : «le gouvernement doit souligner à l’endroit du Conseil de sécurité des Nations-Unies que ce plan inhumain et dévastateur va mettre en danger la paix et la sécurité dans toute la zone, plus particulièrement les îles de l’océan indien et la côte orientale de l’Afrique». Enfin, Idriss Mohamed Chanfi, président du mouvement politique Ukombozi, salue la réaction mais se demande «s’il s’agit d’un vrai premier pas ou d’une manœuvre pour cacher sa capitulation. La suite nous le montrera».
Pour lui, le plus important est de «travailler d’abord pour la suppression du visa Balladur, et ce dans une logique d’apaisement entre la France et les Comores. Bien évidemment, il faudra tenir compte des flux des autres îles vers Mayotte, tout comme des flux des régions vers les capitales. Il faudra également mettre en place un système de contrôle de l’exode rural».
Et si la France venait à refuser cette proposition, «les Comores devront alors porter plainte pour crime contre l’humanité contre la France, puisque Paris affirme reconnaître déplacer tous les ans des dizaines de milliers de Comoriens de Mayotte vers une autre île, ce qui correspond à du déplacement forcé des populations au sein d’un même pays».