Aboubacar Mohamed Kele, inoubliable interprète de «lapitali», sans doute sa chanson la plus connue, est mort et enterré le 13 octobre dans la capitale. Ce natif de Moroni a bercé des générations de Comoriens. Si les plus jeunes peuvent ne pas connaitre son nom, ils sont nombreux à fredonner ses tubes sans savoir qu’ils sont de lui et dont plusieurs font partie du patrimoine musical comorien. « Lapitali tsi triwa radio, e tabibu kadja wona uwade hanambiya e sha nihondesa tsi wuwade sha woyi bawuwa».
Un artiste pétri de talents
Ces paroles-là sont connues de quasiment tous les amoureux de Twarab et sans doute aussi un peu des malheureux en amour.
Réagissant à sa disparition sur Facebook ce lundi, Mohamed-Zaki Housseine a rendu hommage «à ce grand artiste, grand homme proche des gens, drôle et bien sympathique». Sur le même réseau social, il avait également dit sa peine que le chanteur «soit décédé et enterré dans l’anonymat». Il est vrai que l’annonce de son décès était discrète pour cet artiste qui a fait vibrer bien des cœurs et fait danser bien des gens.
«Il était en train de percer dans la musique ici aux Comores quand sa femme est brusquement tombée malade. Nous sommes au début des années 1980. Rapidement, il est parti avec elle en France», a indiqué Mohamed Mattoir, qui, comme lui, faisaient partie du mythique orchestre de la capitale, Asmumo. Comme pour dire que la maladie de sa femme, qui a brusquement perdu la vue, a un peu brisé l’élan de cet homme dont les contemporains disent qu’il était «pétri de talents». Dans une vidéo publiée il y a 13 ans sur YouTube, on le voit chanter sur scène en compagnie de sa femme, reprenait en chœur les paroles.
L’interprète de « Mwema », autre chanson d’amour devenue un classique, a eu plusieurs vies. Il fut l’un des premiers parmi sa génération à tenter l’aventure en France dans les années 60 à bord d’un bateau, avant de revenir quelques années plus tard à Moroni, se souvient-on encore. Le jeune Aboubacar, qui soignait sa mise était également un des premiers à avoir une Vespa, un modèle de scooter. «A l’époque, ce n’était pas n’importe qui qui avait ce type de moto », se remémore Mohamed Mattoir. Il se souvient encore «d’un homme qui adorait la vie, qui continuait à composer des chansons, d’un cinéphile».
Doué de ses mains, le chanteur était tailleur comme son père avant lui. Il fut également «opérateur de cinéma», rembobine Abdallah Chihabiddine, à l’époque de la mythique salle de cinéma, Al-Kamar. Il passait les films avec les bobines au mitan des années 60. Ce père de 3 enfants est mort à plus de 80 ans. «Mgu mwinyi ezi, ngudjo u rehemu», autres paroles d’un autre de ses tubes.