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Ramadan : un relâchement de certaines habitudes ?

Ramadan : un relâchement de certaines habitudes ?

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Si le jeûne reste largement respecté, l’engouement spirituel du quatrième pilier de l’islam semble s’affaiblir. Fidèles et religieux s’inquiètent d’un relâchement des pratiques et appellent à un retour aux valeurs fondamentales.

 

Le ramadan, quatrième pilier de l’islam, est traditionnellement un mois sacré, marqué par le sacrifice, le dévouement et l’élévation spirituelle. Pourtant, de plus en plus de fidèles constatent un affaiblissement de la ferveur religieuse au fil des années. Si le jeûne reste largement respecté, l’esprit du ramadan semble s’éroder. L’engouement d’autrefois n’est plus le même, comme en témoignent plusieurs citoyens. «Ma fille, je ne vais pas te mentir. Pendant le ramadan, je ne vais plus aux prières du taraweeh [longue prière surrérogatoire accomplie après la dernière prière obligatoire du soir]. Après l’iftar [repas de rupture du jeûne], je lave des assiettes jusqu’à pas d’heure, puis, une fois terminé, je prépare le souhour [repas pris dans la nuit en prévision du jeûne]. Je n’ai donc pas le temps d’aller prier. Mes filles m’aident un peu, mais c’est moi qui me charge de tout le travail. Elles devraient m’alléger, mais n’en font rien», confie Maman Hitam, mère au foyer.


Nazam, un jeune étudiant, évoque d’autres raisons. « Moi, j’y vais, mais pas souvent. Les darasas [prêches] ont lieu l’après-midi, mais c’est justement à ce moment-là que j’ai envie de me détendre, de jouer au foot. J’essaie de me booster et de ne pas laisser la fatigue du jeûne m’envahir», se justifie-il.Un autre jeune avoue avoir complètement abandonné les darasas en raison du « manque de dynamisme» de certains prêcheurs. «J’y allais avant, mais j’ai arrêté parce que certains ulémas m’endormaient. On ne comprend pas ce qu’ils disent et on ne prend pas plaisir à les écouter. Eux non plus ne font aucun effort. Par contre, j’aimerais suivre le darasa d’un uléma que j’ai découvert sur TikTok. Il est plus amusant», confie-t-il.

Evolution des pratiques

Une personne âgée observe avec regret cette transformation : «Le jeûne est devenu une habitude sociale, mais la spiritualité et le rapprochement avec Dieu ne sont plus comme avant. Les jeunes préfèrent rester sur leur téléphone plutôt que d’aller aux prières du taraweeh. Après la prière, quand je rentre chez moi, je vois des jeunes jouer dehors sans aucun remords. Autrefois, le ramadan était synonyme d’adoration, aujourd’hui, ce n’est plus le cas.» Pour mieux comprendre ce recul spirituel, Al-watwan a interrogé l’uléma Abdoulhakim Mohamed Chakir, enseignant à la faculté Imam Chafiou de l’Université des Comores. «Autrefois, le ramadan était respecté parce que la foi était omniprésente. Un enfant ne pouvait pas aller à l’école sans passer d’abord par l’école coranique. Dès l’arrivée du ramadan, toute personne s’habillant mal se couvrait naturellement, sans qu’on ait besoin de le lui rappeler. C’était un choix motivé par la foi», rappelle-t-il. «Le commerce aussi était marqué par cette piété : les vendeurs baissaient leurs prix plutôt que de les augmenter, conscients que leurs actions étaient observées par Dieu. Les radios diffusaient des qasidas, contribuant ainsi à l’éducation spirituelle des musulmans », poursuit le théologien. Et d’ajouter : « Avant, on ressentait de la honte et de la peur à l’idée de ne pas prier les dix rak’a du taraweeh. Aujourd’hui, les gens se contentent de quatre ou huit rak’a avant de partir, sans état d’âme. Certains ne viennent même plus à la mosquée. Ce relâchement est une conséquence directe de la disparition de la foi».


Au vu de ce constat, notre interlocuteur pense qu’il est « impératif de revenir à l’école coranique », car « les darasas ne se tiennent plus autant à la mosquée », et « le respect du mois sacré dépend des musulmans eux-mêmes, or le ramadan, c’est avant tout un retour à Dieu». Mais tout n’est pas si simple. «Autrefois, poser une question lors d’un darasa permettait d’enrichir les connaissances de tous. L’uléma prenait le temps de méditer la question et revenait avec une réponse approfondie. Aujourd’hui, ce respect mutuel a disparu. Certains ulémas ne respectent même plus leurs propres enseignements. Comment, alors, attendre du respect en retour ?», s’interroge l’universitaire. «Même dans le commerce, le sens du halal s’est perdu. Certains voient désormais le ramadan comme une opportunité de business. On entend parler de vols, de ventes frauduleuses. Certains vont jusqu’à voler des produits pour les revendre à profit. Or, un argent illicite ne peut apporter que du mal. Autrefois, on veillait à ce que la rupture du jeûne se fasse dans le halal, avec des aliments licites. Aujourd’hui, vendeurs et acheteurs ne s’en soucient plus», regrette-t-il.


Le constat est donc clair : la foi qui illuminait autrefois le ramadan semble s’être affaiblie. Avec le divertissement qui prend le dessus et un certain relâchement des pratiques religieuses, le mois sacré ne porte plus la même intensité spirituelle pour beaucoup. Pourtant, comme le rappelle notre uléma, «le ramadan n’est pas seulement un mois de privation alimentaire, mais un moment de renforcement du lien avec Dieu».

Mairat Ibrahim Msaidie

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