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LâAĂ©roport international Moroni prince SaĂŻd Ibrahim (Aimpsi) Ă©tait dĂ©jĂ pris dâassaut par une cinquantaine de personnes lorsque nous sommes arrivĂ©s sur place, aux environs de 22 heures. Des Ă©lĂ©ments des forces de lâordre, des mĂ©decins, des agents de la SĂ©curitĂ© civile, du Croissant rouge ; mais, plus marquant, une bonne vingtaine de familles confuses, interloquĂ©es, sây trouvaient.
Dans lâallĂ©e, des bus de lâarmĂ©e nationale, six au total, et des ambulances du Croissant rouge, de la SĂ©curitĂ© civile, et de la SantĂ© militaire. Ce qui nâĂ©tait jusque lĂ quâune rumeur, de plus en plus consistante, prenait une certaine ampleur.
Le gouvernement aura pourtant, toute la journĂ©e du mercredi, essayĂ© par tous les moyens de canaliser lâinformation, refusant de confirmer lâarrivĂ©e, tant attendue, des ressortissants comoriens recensĂ©s depuis dĂ©jĂ un mois dans des centres de rĂ©tention en Libye, ou de donner une information, quelle quâelle soit, sur leurs identitĂ©s ou leurs villes dâorigines.
MalgrĂ© tout, il nâaura pas rĂ©ussi Ă enlever ce maigre espoir qui pousse un parent â femme, homme, enfant â Ă investir, des 1 heure du matin, le mardi, lâaĂ©roport international, en dĂ©pit des incertitudes.
Beaucoup dâargent
Ces femmes, ces hommes, ces enfants Ă©taient assis de part et dâautres, certains Ă©tendus Ă mĂȘme le sol, Ă©puisĂ©s mais pas rĂ©signĂ©s, Ă lâĂ©coute des miettes dâinformations que quelquâun, nâimporte qui, voudra bien leur donner. Personne, bien sĂ»r, ne viendra. Du moins, aucun officiel.
Alors que nous sondions les familles, revĂȘtus des gilets des agents de lâAimpsi, qui ne nous auront finalement servis Ă rien, deux voix nous interpellent. âSavez-vous Ă quelle heure atterrit lâavion ?â, demande une dame dans la force de lâĂąge, un bĂ©bĂ© entres les mains. âVers 01 heure du matinâ, lui rĂ©pondrons-nous, sans conviction. Il Ă©tait, Ă ce moment-lĂ , 23 heures.
La dame, accompagnĂ©e de son mari, vient du Mbwankuwu. Ils sont lĂ depuis 9 heures du matin. âCâest la deuxiĂšme fois que nous venons. Nous Ă©tions dĂ©jĂ ici le 7 dĂ©cembreâ, dit le monsieur. Comme la plupart des personnes prĂ©sentes la nuit du mercredi au jeudi Ă lâaĂ©roport, ils ne savent pas si leur enfant fait partie du contingent de migrants comoriens attendus. Mais ils espĂšrent.
PrĂȘts Ă repartir
Une autre femme, Moinaecha, issue du Mbwankuwu, espĂšre elle aussi que ses deux enfants se trouvent dans lâavion. Une jeune femme de 19 ans, et un jeune homme de 20 ans. Celui-ci, dira-t-elle âdonnait rarement de ses nouvelles. Nous savons quâil se trouvait en Libye sans plus de dĂ©tails. Il a quittĂ© le pays en 2015, est parti Ă Dar es Salaam, ensuite Nairobi, de lĂ il ira au Niger, puis atterrira en Libyeâ. Elle reprendra : âcâest mon fils parce que je lâai Ă©levĂ© mais sa mĂšre est morte. La vie Ă©tait dure donc il est partiâ.
Combien de francs ce pĂ©riple a-t-il coĂ»tĂ©Â ? Elle nous regardera et dans un profond soupir, rĂ©pondra : âbeaucoupâ. Combien ? âSeuls ceux qui sont lĂ -bas (France, ndlr) pourront le direâ.
Et votre fille alors ? âNous avions plus de nouvelles dâelle, elle nous appelait de temps Ă autre. Elle ne nous faisait pas part dâune quelconque violenceâ. Elle sâarrĂȘtera avant de se reprendre : âelle se plaignait mais seulement de la qualitĂ© de la nourriture, seulement celaâ. En espĂ©rant que ce ne âsoit juste que celaâ, de la nourriture de mauvaise qualitĂ© et aucune atrocitĂ©.
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Vers 23 heures 15, les mĂ©decins se rĂ©unissent pour rĂ©partir les tĂąches. Cinq colonnes composĂ©es chacune dâun mĂ©decin sont prĂ©vues. Câest la seule information notable que nous rĂ©ussirons Ă avoir cette nuit-lĂ . LâautoritĂ© aĂ©roportuaire viendra annoncer Ă la presse quâelle nâest pas autorisĂ©e Ă couvrir lâĂ©vĂ©nement, sans plus de prĂ©cisions, si ce nâest celle-ci : âordre venu dâen hautâ.
Nous attendrons dehors lâarrivĂ©e du charter affrĂ©tĂ© par lâOrganisation internationale pour les migrations (Oim), qui nâinterviendra que vers 4 heures du matin. DĂšs son atterrissage, les familles, inquiĂštes, se prĂ©cipiteront pour essayer de distinguer, de loin, un proche, ce qui Ă©tait chose impossible. 89 migrants comoriens en provenance de Libye descendront du charter.
Parmi eux, un mineur. Ils seront pris en charge dĂšs leur descente par les services de santĂ©. Deux personnes seront Ă©vacuĂ©es Ă lâhĂŽpital.
Un cadre du ministĂšre de lâIntĂ©rieur a indiquĂ© âquâun comorien avait rĂ©ussi Ă prendre la fuite, lĂ bas, au pays de Kaddafiâ et ne fait donc pas partie des 89 hommes et femmes arrivĂ©s hier.
Les autres qui étaient en bonne santé physique ont été directement acheminés dans leurs villages et remis à leurs familles.
Peu aprĂšs lâatterrissage, une femme travaillant Ă lâaĂ©roport en pleurs surgit de la piste. Un de ses collĂšgues dira simplement que âcertains, Ă la vue des migrants ont craquĂ©. Tel cet homme, qui nâavait que la peau sur les os, qui avait du mal Ă marcher, il faisait peur, son visage faisait peur, on avait lâimpression de voir ses entrailles (marumbo)â.
Plus tard dans la journĂ©e dâhier, Al-watwan a joint Moinaecha, pour lui demander si ses enfants Ă©taient arrivĂ©s. Elle rĂ©pondra : âoui, ils sont arrivĂ©s mais quand lâappel (du voyage) retentira, ils repartirontâ.
Fsy et Dsd