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Des années 1990 à l’ère des réseaux : quelle place pour le journalisme ?

Des années 1990 à l’ère des réseaux : quelle place pour le journalisme ?

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Alors que les médias traditionnels s’affaiblissent, des voix appellent à une régulation repensée, plus large et plus équitable, pour préserver la liberté d’expression dans un espace démocratique en mutation. Cette vision d’une régulation renouvelée des médias est partagée (et élargie) par Kamal’Eddine Saindou, ancien journaliste et cofondateur des titres L’Archipel et Kashkazi. Pour lui, le rôle du Cnpa est aujourd’hui mal compris. Il devrait, selon lui, dépasser le seul cadre de la presse pour s’étendre à l’ensemble du champ informationnel et culturel : édition, chanson, cinéma, plateformes numériques. Il plaide ainsi pour une régulation éclairée par des études sociales, centrée sur la protection des publics, l’accès à la connaissance, la qualité de l’information et la prévention des contenus toxiques. Il appelle à un renouvellement du mandat du régulateur, qui ne devrait plus être perçu comme un simple gendarme, mais comme un garant de l’équilibre dans un espace démocratique de plus en plus complexe.


Ali Mondjié, lui aussi ancien journaliste, pointe quant à lui les dérives de la communication institutionnelle. Il dénonce une logique de marginalisation des médias critiques par les autorités, une posture qui, selon lui, freine le développement des médias publics, déjà fragilisés par une audience en recul. La censure, estime-t-il, souvent impulsée par le pouvoir, pousse les journalistes à l’autocensure. Certes, les réseaux sociaux ont ouvert de nouveaux espaces d’expression, mais dans un cadre qu’il juge totalement déstructuré. Il estime nécessaire d’accompagner cette liberté par un encadrement juridique adapté et une évolution des mentalités : « Les détenteurs des logiciels de gestion-médias des années 60 doivent faire leur mise à jour », ironise-t-il. Il regrette également l’absence d’avantages concrets liés à la carte de presse (accès facilité aux lieux publics, réductions sur les frais de communication, facilités de transport inter-îles) autant de mesures qui nécessiteraient un véritable dialogue entre les autorités et les représentants des médias.


Kamal’Eddine Saindou, pour sa part, inscrit cette dégradation du paysage médiatique dans une perspective historique. Il évoque l’époque des années 1990, marquée par une presse dynamique et rigoureuse, animée par des titres comme L’Archipel, Kashkazi, Al-Watwan, La Gazette ou Al-Balad. La disparition de certains d’entre eux, liée à un contexte économique défavorable et à la désertion progressive du métier par ses figures majeures, a laissé un vide comblé aujourd’hui par des acteurs souvent peu formés mais omniprésents sur les réseaux sociaux. Il pointe d’ailleurs la responsabilité des anciens professionnels eux-mêmes, qui ont abandonné le terrain.


Pour lui, une relance du média public, dotée de moyens adéquats et d’une mission claire au service du citoyen, serait un point de départ essentiel. Il insiste sur le fait que la liberté d’expression ne doit ni être un slogan vide, ni un privilège réservé aux journalistes. Elle s’inscrit dans un cadre de normes sociales et de respect mutuel, qu’il convient de rétablir, y compris dans l’espace numérique, trop souvent livré aux invectives et aux abus. Faute de quoi, conclut-il, la censure et la judiciarisation continueront de prospérer sous de faux prétextes.

AM

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