En quoi consiste le métier de transitaire ?
Ce n’est pas seulement un métier, mais une véritable profession. Selon les textes en vigueur, il s’agit d’une catégorie de commissionnaires agréés en douane, chargés de prendre en charge toutes les formalités douanières pour le compte d’un expéditeur ou d’un destinataire de marchandises introduites ou destinées à être introduites sur le territoire douanier.
Aux Comores, combien êtes-vous à exercer ce métier et comment on devient transitaire ?
Toutes les conditions pour devenir transitaire sont énoncées aux articles 114, 115 et suivants du Code des douanes. Pour exercer cette profession, il faut avoir suivi des études en douane ou en transit, disposer d’un agrément ou justifier d’une expérience d’au moins cinq ans dans une agence agréée. La demande d’agrément doit être adressée au directeur des douanes et accompagnée d’un certain nombre de documents : les statuts de l’entreprise, un certificat de nationalité, un bulletin n°3 du casier judiciaire, un procès-verbal désignant le gérant ou dirigeant (qui doit être de nationalité comorienne) ainsi qu’une attestation d’adhésion au groupement des transitaires. Ce sont là les conditions requises pour exercer en tant que transitaire. À l’origine, nous étions 24 agences. Aujourd’hui, rien qu’à Ngazidja, nous sommes plus d’une trentaine, en plus de 5 agences à Ndzuani et 2 à Mwali.
Les transitaires sont-ils indispensables dans la chaîne du commerce international ? Autrement dit pourquoi ne pourrait-on pas se passer d’eux ?
J’ai expliqué au début que le transitaire est l’agence qui prend en charge les formalités douanières d’une marchandise. Dans la chaine internationale, le transitaire est celui qui prend en charge l’ensemble des processus et des opérations nécessaires pour la circulation des marchandises d’un pays à un autre. Il n’y a que le transitaire pour le faire d’ailleurs car c’est la personne habilitée à exécuter cette tâche de par ses compétences acquises dans le domaine de l’import-export.
Quels sont les défis rencontrés par ce secteur ?
Je tiens à insister sur la méconnaissance de notre métier et, plus largement, de la profession de transitaire par les usagers. Aujourd’hui, notre principal objectif est de faire connaître cette activité, de sensibiliser le public aux normes et aux règles qui doivent être respectées. Le défi majeur reste de gagner la confiance des citoyens. En tant que transitaires, nous assurons la liaison et l’acheminement des marchandises d’un pays à un autre. Lorsqu’une personne, depuis l’étranger, confie son colis à une agence de transit, elle doit pouvoir avoir l’assurance que celui-ci arrivera à destination dans les délais. Pour instaurer cette confiance, il est essentiel d’expliquer aux Comoriens que ce n’est pas un métier informel. Être transitaire ne consiste pas simplement à se rendre chaque matin au port et à se proclamer tel.
En effet, récemment les transitaires ont organisé une rencontre avec la presse pour notamment demander que le métier soit mieux reconnu. Ne l’est-il pas assez ? Pourquoi ?
Ce n’est pas que notre profession n’est pas reconnue, mais elle reste largement méconnue. Beaucoup ignorent le rôle réel du transitaire et ne comprennent pas qu’il est un auxiliaire de l’administration des douanes, un véritable intermédiaire entre le client et l’administration. Nous exerçons, en partie, les mêmes missions que les agents des douanes, notamment en ce qui concerne la collecte des recettes douanières. C’est nous qui transmettons à l’administration les informations relatives aux marchandises.
Or, ce rôle essentiel est souvent ignoré, ou du moins mal compris, par une grande partie du public.
On dit qu’il règne une certaine opacité (surfacturation et « frais cachés » présumés) dans la fixation de vos tarifs. Qu’en dites-vous ?
Il n’y a ni surfacturation ni frais cachés dans la fixation de nos tarifs. Il est important de préciser que plusieurs éléments entrent en compte dans le coût global. Il y a d’abord les droits et taxes douanières, qui varient selon les taux en vigueur. Ensuite, les frais de manutention, qui dépendent des concessionnaires, comme Moroni Terminal ou la Société comorienne des ports, par exemple. À cela s’ajoutent les frais d’agence, qui détaillent les coûts liés aux déclarations, aux démarches administratives et aux services rendus. Dans certains cas, il faut également inclure les frais de transport (le fret) que certains clients paient partiellement à l’étranger, voire pas du tout. Une fois la marchandise arrivée sur place, ils refusent parfois de régler le solde, ce qui crée de la confusion autour de la taxation et du montant final de la facture.
On vous impute aussi souvent les retards de livraison des marchandises…
Parfois, le problème vient de l’absence de liaisons maritimes directes vers Moroni. En effet, tous les conteneurs à destination des Comores doivent d’abord transiter par Dubaï. Ensuite, ils sont répartis sur plusieurs lignes : Dubaï–Mayotte–Moroni, Dubaï–Anjouan–Moroni, Dubaï–Maurice–Moroni, Dubaï–Zanzibar–Moroni, etc. Ces itinéraires, souvent longs et complexes, entraînent des retards dans la livraison des marchandises. Cependant, les délais peuvent aussi être dus à certains clients qui ne règlent pas intégralement les frais de transport à l’étranger, ou qui omettent de souscrire une assurance.
Il convient également de mentionner le rôle de la Société comorienne des ports, dont les opérations de déchargement des navires en vrac se font encore à mains nues, ce qui ralentit considérablement le processus. Les factures émises laissent, par ailleurs, souvent à désirer. Du côté de Moroni Terminal, les opérations de déchargement en rade sont souvent lentes, tout comme le positionnement des conteneurs dans le port. Et malgré cela, un délai de seulement huit jours nous est accordé pour vider entièrement un conteneur, ce qui est largement insuffisant. Je tiens aussi à dénoncer la surfacturation opérée par Moroni Terminal, qui applique un supplément de 100 000 francs sur environ 50 % des conteneurs, en présumant sans preuve qu’ils contiennent des matières dangereuses.
Cette décision est prise unilatéralement, sans aucune enquête préalable. Certaines agences ont porté plainte et ont obtenu gain de cause en justice, avec un remboursement intégral. Pourtant, ces pratiques persistent. Je profite donc de cette tribune pour lancer un appel à tous les syndicats du secteur commercial (Synaco, Modec, Nouvelle Opaco) ainsi qu’à nous, transitaires, et aux armateurs, afin que nous nous unissions pour mettre un terme à ces pratiques illégales qui compromettent gravement nos activités.
Au fait, quels sont les litiges qui vous opposent souvent à vos clients ?
Il ne s’agit pas réellement d’un litige, mais plutôt d’une incompréhension liée aux retards dans l’arrivée des marchandises et à des groupages non conditionnés correctement depuis l’étranger. Ce ne sont toutefois que des malentendus, car il s’agit de clients avec lesquels nous collaborons depuis de nombreuses années.
Enfin qu’est-ce que vous aimeriez dire à vos clients pour mieux raffermir votre confiance mutuelle ?
J’aimerais que la communauté portuaire travaille main dans la main pour le bien commun de tous, pour la sûreté et la sécurité des marchandises qui sont acheminées vers notre pays.