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Tribune libre I Pour que les femmes journalistes travaillent en paix

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Les femmes journalistes doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©es en milieu professionnel. La dĂ©nonciation courageuse de la vice-prĂ©sidente du Syndicat National des Journalistes Comoriens le 17 janvier au palais prĂ©sidentiel, suivie de la tribune de ToufĂ© Maecha parue le 14 juillet doivent faire rĂ©agir les pouvoirs publics. Aucun homme, de quelque rang qu’il soit, ne devrait pouvoir se servir de son statut pour exercer une pression ou un chantage sur une journaliste. A l’Ortc comme partout ailleurs.

 

Andjouza Abouheir, la vice-présidente du Syndicat des Journalistes Comoriens a, le 17 janvier, courageusement interpellé le chef de l’Etat sur des violences sexuelles et sexistes à l’Ortc, la télévision publique. Ce média qui compte le plus grand nombre de professionnels de la presse a ainsi été propulsé au-devant de l’actualité par la jeune femme. En réalité, c’est moi qui aurais dû lire ce discours. Moi qui aurais dû être à la barre le jour du procès, en tant que présidente du Syndicat. Mais malheureusement, en mission à Anjouan, je suis retournée à Moroni peu après la réception des journalistes à Beit-Salam. Cependant, jamais je n’aurais pu imaginer la suite donnée à cette affaire. Depuis, j’assiste impuissante au déferlement de la machine judiciaire qui s’est aussitôt enclenchée contre les donneurs d’alerte, lesquels risquent d’être condamnés à un an de prison le 27 juillet prochain, à rebours de la marche du monde. Jusqu’au bout, j’ai espéré qu’une enquête allait être diligentée par le parquet de la République à l’Ortc. Je ne désespère pas.

La honte n’a pas encore changé de camp

Mon confrère Toufé Maecha a, le 14 juillet dernier, dans une tribune publiée par la Gazette des Comores, dénoncé le climat pour le moins malsain qui règne à l’Ortc. Les précisions qu’il a apportées, l’atmosphère qu’il a décrite, les remarques sexistes, les agressions sexuelles, les chantages font froid dans le dos.
Depuis la dénonciation du Syndicat, règne une certaine agitation au sein même de la corporation. Certains veulent que les victimes s’expriment. Se dénoncent, à tout prix. Dans leur tête et celle de beaucoup de Comoriens, être une victime de violence sexuelle est une honte. Il faut donc s’en laver. Ici, la honte n’a pas encore changé de camp.
Je reste persuadée que la réaction du chef de l’Etat, Azali Assoumani, peu après le discours de la vice-présidente, l’attitude des forces de l’ordre face aux collègues mis en cause dans cette affaire, Abdallah Mzembaba, Andjouza Abouheir, Oubeidillah Mchangama et Toufé Maecha ont effrayé les victimes. D’autres collègues demandent « des preuves ». Ils sont peut-être influencés par ce haut dignitaire qui demandait, il y a quelques temps, des vidéos pour prouver la commission de viols. Il faut sacrément être givré pour agresser sexuellement une femme en se filmant ou devant des témoins. C’est dire à quel point la lutte contre les violences faites aux femmes aux Comores accuse un retard important.


Le bureau du Syndicat a à cœur ces problématiques et espère que des changements substantiels seront mis en place par les décideurs politiques afin que les femmes journalistes soient protégées. Aucun homme, de quelque rang qu’il soit, ne devrait pouvoir se servir de son statut pour exercer une pression ou un chantage sur une femme. Je suis certaine que je ne me trompe pas.

La quasi-normalisation de ces pratiques

Ce combat est également le vôtre. Vous aimeriez tous que vos sœurs, vos femmes, vos cousines, vos nièces, vos amies puissent s’épanouir professionnellement sans crainte. Les femmes qui ne sont rien pour personne doivent également être protégées.Il est donc inconcevable qu’en 2023 des pratiques sexistes demeurent impunies, voire encouragées par le silence de ceux qui auraient dû nous protéger. Il faudrait que des formations portant sur les violences sexistes et sexuelles dans les médias soient dispensées. Malheureusement, face à la quasi-normalisation de ces pratiques qui existent bien au-delà de l’Ortc, beaucoup de journalistes, y compris des femmes, ont fini par banaliser le harcèlement, minorer l’agression sexuelle voire pire. Il faudrait un volet dédié aux forces de l’ordre et aux magistrats.


Il faudrait des référents, bienveillants, auprès de qui seront signalées toutes les formes d’abus dans nos organes de presse. Est-il besoin d’avoir des bureaux cloisonnés avec des canapés, des bureaux hermétiquement fermés dans nos médias ? N’est-il pas temps de recourir à l’open-space aux Comores ou à tout le moins d’avoir des baies vitrées séparant les bureaux ? Certains prônent même l’installation de caméras de surveillance. Ce sont des pistes que nous avançons, qui peuvent être améliorées.


Quand j’ai commencé le métier de journaliste en Union des Comores, il y a un peu plus de 10 ans, j’étais loin d’imaginer à quel point il demanderait de l’abnégation, de la résilience, de l’opiniâtreté. J’étais loin d’imaginer à quel point il serait violent. Violent, il l’est pour tous les reporters. Mais il l’est encore plus pour les femmes. En tant que femme, exercer ce métier implique de s’exposer à des oppressions, des harcèlements ou agressions à caractère sexuel. Être une femme journaliste c’est être exposée à du cyberharcèlement. Être une femme journaliste, c’est être scrutée dans ses moindres faits et gestes, dans sa façon de se vêtir et de se tenir dans l’espace public.
À l’heure où les Comores aspirent à diriger les grandes organisations comme c’est le cas avec l’Union africaine en ce moment, il serait temps que le pays s’aligne avec le reste du monde pour combattre de toutes ses forces ce fléau. L’émergence tant vantée ne sera pas qu’économique, elle a le devoir de protéger les femmes, contre les violeurs et les agresseurs. Je signe cette tribune emplie de l’espoir que les nouvelles générations de femmes journalistes, n’auront pas à subir ce que nous avons subi et continuons de subir. Grâce à nous toutes. Grâce à vous tous.

Faïza Soulé Youssouf, Présidente du Syndicat National des Journalistes Comoriens

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