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Retour de Mayotte I Une même cause et deux approches

Retour de Mayotte I Une même cause et deux approches

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Les autorités étatiques, estiment, depuis 2005, que le contentieux territorial doit être résolu à travers le dialogue direct avec l’ancienne puissance coloniale. Les organisations de la société civile prônent, elles, une pression maximale sur la France par une mobilisation de l’opinion internationale sur la base des leviers juridiques à la portée du pays pour mettre un terme à «une décolonisation inachevée».

 

Deux lignes se croisent et se complètent au sujet du retour de l’île de Mayotte dans le giron national après les référendums de février et avril 1976 jugés illégaux par les Nations-Unies, l’instauration en 1995 du «Visa Balladur, le référendum de mai 2009 et la «départementalisation» à marche forcée par la France de l’île comorienne en 2011. Si les deux approches visent la même cause, à savoir la réintégration de Mayotte au sein de la République, elles se distinguent par la méthode et la voie à suivre pour faciliter le retour de l’île occupée dans son ensemble naturel.

Le choix du «dialogue direct»

Il y a, d’un côté, la ligne – totalement assumée par le gouvernement – qui souhaite faire du dialogue une «approche pragmatique» pour résoudre le conflit territorial avec la puissance occupante. De l’autre, celle défendue par la Société civile, qui fait le choix de la pression sur la France pour pousser cette dernière à reconnaitre la souveraineté des Comores sur Mayotte et à mettre un terme définitivement à ce qu’un ancien président français de la République a qualifié de «malheureux contentieux».


En 2005, en effet, trente ans après l’indépendance, les autorités ont opté pour des discussions avec la France après l’absence, trois décennies durant, «de résultats tangibles», «de résolutions sans effets» et «de négociations infructueuses» auprès des instances internationales. Le pays «n’ayant pas les mains suffisamment longues» pour pouvoir faire plier la France et la pousser à restituer l’île, les autorités en pace estiment, ainsi, que le dialogue «reste la voie du salut» pour espérer «un retour progressif» de l’île «à travers des échanges économiques, socioculturels et sportifs». A ce propos, le premier grand événement sportif baptisé «Coupe de la concorde», réunissant, pour la première fois depuis 1975, des jeunes sportifs des quatre îles sera organisé et permettra de ressusciter l’unité de l’archipel dans un élan de ferveur même si une deuxième édition n’allait jamais être organisée.

 

Bien qu’à l’Onu, Mayotte soit toujours inscrite sur la liste des territoires à décoloniser, la revendication comorienne perdra sa vigueur au sein de la machine administrative onusienne. Le «Comité des Sept», le «Groupe 77» et le «Comité spécial de la décolonisation» à l’Onu ont, pratiquement, baissé la garde sur le contentieux de Mayotte après le retrait de la question à l’ordre du jour définitif de l’Assemblée générale de l’Onu.Les Comores et le France optent pour des discussions directes et mettent en place le «Groupe de travail de haut niveau» (Gthn), censé poser les bases d’un «dialogue» sans que celui-ci soit accompagné d’une feuille de route claire définissant publiquement les étapes à franchir, les actions à planifier et les résultats à mesurer dans le temps pour une restitution assurée de l’île.Les régimes successifs à Moroni ont, tous, suivi cette approche du «dialogue» depuis 2005. Les chefs d’Etat successifs, chacun avec sa posture qui lui est propre, ont affiché la même constance devant la France, à la fois puissance occupante et «partenaire clé du développement». Une dichotomie autour de la question, rendant encore fragile les moyens de pression alors que l’île occupée connaitra un changement décisif de statut en janvier 2011, suscitant une crise diplomatique majeure entre les deux pays.

Cacophonie?

En 2013, «une Déclaration d’amitié entre la France et les Comores» sera entérinée à l’Elysée après une mission à Moroni, quatre ans plutôt, du groupe parlementaire franco-comorien dirigé par le député français Daniel Goldbert et deux ans après cette grave crise diplomatique entre les deux pays. Le «Gthn» sera remplacé dans la foulée par un Haut conseil paritaire (Hcp) qui a tenu trois sessions sans avancée majeure sur le retour de l’île occupée. La quatrième session n’aura jamais eu lieu.
Les Comores et la France reprennent langue sur la question, cinq ans après, en novembre 2018 et vont poser les bases «d’un partenariat renouvelé» avec la signature, en juillet 2019 à l’Elysée, d’un «Accord-cadre de coopération» avec le dialogue comme «moyen pour résoudre nos divergences sur la question de Mayotte». Là, encore, deux sessions du Hcp ont été organisées. La troisième n’aura jamais eu lieu. Selon certains, le Covid-19 a été, en grande partie, à l’origine de la perturbation de l’agenda. Mais, à ce jour, aucun résultat tangible n’a été enregistré alors que l’île comorienne continue à se positionner dans la région et à radicaliser sa position face à la revendication permanente des autorités.

La pression par la diplomatie citoyenne

La «Question de l’île comorienne de Mayotte», considérée comme l’angle mort de tous les décideurs, demeure également un enjeu de chute ou de survie des régimes politiques aux Comores pendant près de cinquante ans, selon des indiscrétions. Un état de fait qui est à l’origine des coups de gueule dans les rangs du Comité Maore et des organisations de la société civile, en général, qui assimilent, à tort ou à raison, cette attitude à une «forme de capitulation» et à un «abandon» supposé d’une grande cause nationale depuis plus un demi-siècle. Cette deuxième ligne n’admet que la pression maximale sur la France pour un retour de Mayotte à travers une diplomatie citoyenne active comme ce fut le cas, récemment, avec la Conférence internationale sur la question de l’île comorienne de Mayotte» à Bakou en Azerbaïdjan.
Bien avant cette initiative, des appels à mettre la pression sur la France se sont multipliés ces dix dernières années sans, encore une fois, conduire à des résultats tangibles. Les évènements en Nouvelle-Calédonie et la récente restitution de l’archipel des Chagos par la Grande-Bretagne à l’île Maurice ont ravivé l’espoir chez les partisans de cette ligne et des voix se sont souvent levées pour demander la saisine de la Cour internationale de justice (Cij) voire la Cour pénale internationale (Cpi).


Lors des Assises nationales de février 2018, de nombreuses recommandations avaient été émises dans le rapport final à l’attention des autorités étatiques, des élus, de la classe politique et de la société civile. Les rédacteurs ont posé deux préalables à toute démarche future visant à faciliter le retour de l’île dans le giron national, à savoir : «la reconnaissance du principe comorien que Mayotte est une partie intégrante de son territoire national conformément au droit international» et «la reconnaissance par la France, que l’île de Mayotte a vocation à réintégrer son ensemble naturel et juridique, la République des Comores». Enfin, il y a été admis que seules «ces deux préalables une fois admis par la partie française ouvrent la voie à des négociations justes et apaisées».


Aujourd’hui, outre la demande de la suppression du visa Balladur et «des discussions sincères franches et ouvertes avec la France», les partisans de cette ligne dure souhaitent un changement de méthode dans la manière de susciter le débat à l’international. Défendue par des organisations de la société civile, tels que le Comité Maore, le Collège des Sages, des personnalités politiques dont des anciens ambassadeurs, cette approche vise à sensibiliser l’opinion internationale sur le contentieux territorial et la nécessité de parvenir à définir un calendrier de restitution de l’île. Parviendront-ils à faire bouger les lignes sur la «Question de l’île comorienne de Mayotte»?

 

 

Repères chronologiques

1973: Accord sur l’indépendance des Comores

1974: Référendum d’autodétermination du peuple comorien

6 juillet 1975: Accession à l’indépendance

12 novembre 1975: Admission des Comores à l’Onu, composées de quatre îles

1976: Référendums à Mayotte jugés illégaux par l’Onu

1995: Instauration du visa Balladur

2005: Début du dialogue direct avec la France

2005: Résolution de l’Assemblée nationale instituant la Journée Maore

2009 : Nouveau Référendum à Mayotte

2011: Nouveau statut de Mayotte

2013: Accord d’amitié Franco-comorien

2019: Nouvel Accord de coopération

2023: Première opération Wuambushu à Mayotte

2024: Initiative de Bali sur la question de Mayotte portée par des organisations de la société civile comorienne

2024 : Arrivée d’une délégation mahoraiseà Moroni pour la première fois depuis 1975.

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