C’est dans un environnement chaleureux, un lieu propice à la confidence que s’est tenu le tout premier café littéraire d’un duo amoureux des mots. La rencontre est organisée par Karina Moilime Djoussouf, chargée de communication à la Banque Centrale des Comores et Arfane Abdou, chargée de mission dans un cabinet d’expertise comptable.Aussi, le 27 juillet au « café Dhow », situé dans les hauteurs de Moroni, Faïrouze Mohamed Charif a interagi avec un public, curieux de savoir ce qui l’a amenée à écrire son premier roman, « le fruit d’un combat », paru aux éditions « Kalamu des Iles ». Dans celui-ci, il est question de l’endométriose, maladie inflammatoire exclusivement féminine et qui touche une femme sur dix en France, et le parcours de combattant de la jeune femme pour tomber enceinte.
Ce n’est donc pas sans crainte que la primo-romancière s’est livrée. « Une semaine avant la publication, j’ai eu envie de tout arrêter, j’avais peur. Fort heureusement, ma famille qui a d’abord accusé le coup a pris le parti de me soutenir », a-t-elle déclaré. Durant la rédaction de son livre, elle n’en parle à personne, même pas à sa sœur, encore moins à sa mère. La voix de Faïrouze, aidée d’un micro, est à peine plus forte qu’un murmure. Néanmoins le public boit ses mots et parfois retient sa respiration.
Les couloirs froids des hôpitaux
Quand Karina Moilime lui demande comment elle aimerait être aimée, pudiquement, elle répond d’une voix que l’on sent marquée par l’émotion : « J’aimerais être aimée sans jugement, spontanément, naturellement ». Comment serait sa vie si elle n’avait pas eu d’endométriose ? « Je vivrais entourée de beaucoup d’enfants, j’ai toujours rêvé d’en avoir beaucoup».Dans sa quête d’enfant, elle a traversé les couloirs froids des hôpitaux, subi de multiples examens, surmonté cette angoisse de ne pouvoir procréer. Elle a aussi beaucoup prié. «C’est un livre thérapie, maintenant je me sens beaucoup mieux, j’ai reçu après sa publication des messages réconfortants que je ne supprimerai pas », a-t-elle fait savoir, reconnaissante.
Faïrouze Mohamed Charif, Comorienne de France en parle aussi parce qu’ici le diagnostic de l’endométriose ne peut être posé, par méconnaissance, mais aussi par manque de volonté politique. Elle se dit que si elle parle des symptômes et que d’autres jeunes filles se rendent compte qu’elles ont les mêmes, « tout ne sera pas perdu». Le plus dur est de ne pas savoir. Comme le relève Amina Ali, restauratrice et activiste, «les règles douloureuses, ce n’est pas normal». La maladie encore méconnue aux Comores doit faire des ravages dans la population féminine en âge de procréer. Règles très douloureuses, infertilité, l’endométriose est une maladie de l’intime que beaucoup banalisent encore. Présente, la présidente de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (Cndhl), Sittou Raghadat Mohamed, a parlé du cas de sa fille, Neymat Abou-Jaffar, qui participe activement à la visibilisation de la maladie notamment ici aux Comores, via l’association « Ebony Magic Girl ». « Mon enfant a eu ses règles à 9 ans et elle souffrait atrocement.
Les médecins qu’elle consultait lui prescrivaient des cachets contre la douleur. Il a fallu attendre qu’elle soit une adulte et que d’elle-même, après avoir visionné un reportage sur l’endométriose, mette un nom sur la maladie qui la faisait tant souffrir », a-t-elle relaté.Le plus dur pour Faïrouze Mohamed ? « Tomber enceinte, j’ai dû patienter 5 ans alors qu’un médecin avait réduit mes espoirs à néant ». «Le fruit du combat » de Faïrouze a aujourd’hui 11 ans. L’artiste, Boule des Iles, l’a célébré jeudi dans une de ses plus célèbres chansons, avec un public conquis, qui reprenait en chœur, le refrain.