Alors que la nation entière avait les yeux rivés sur le match opposant les Comores au Kenya ce dimanche, 54 détenus en ont profité pour quitter subrepticement la prison de la Moroni aux environs de 19h00. Cette évasion massive est la troisième en quelques semaines. L’opération de ce 15 novembre a été la plus spectaculaire : en effet, un pan entier du mur d’un des dortoirs a été démoli. Les prisonniers se seraient servis des gravats comme d’autant de projectiles à l’endroit des agents de sécurité, occasionnant 9 blessés aux blessures d’inégale gravité.
“Sur les 9 agents de sécurité, il y a eu une hospitalisation, 4 se sont rendu à El-Maarouf pour des soins et 5 ont été soignés dans l’infirmerie de la prison”, a assuré le ministre de la Justice, Mohamed Houssein Djamalilayl qui a affirmé s’être présenté à la Maison d’arrêt hier à l’aube.
Celui qui nous a reçus dans son bureau au ministère de la Justice ce lundi en fin de journée a assuré n’avoir aucun chiffre pour les blessés se trouvant du côté des prisonniers.
Pour ce qui est des fugitifs sur les 54 qui ont voulu se faire la malle “les forces de sécurité en ont retrouvé 13”, a révélé le directeur de la prison, Soilihi Ali Said.
La liste des évadés est en train d’être établie. Quant à leurs profils “il n’y aurait aucun criminel parmi les fugitifs, tout au plus des agresseurs sexuels ou des voleurs”, a assuré le directeur du service pénitentiaire. Parmi eux, Inssa Mohamed plus connu sous le nom de Bobocha, qui a été extradé de Madagascar, en juillet dernier. Il est suspecté d’avoir pris part à une tentative d’attentat visant le chef de l’Etat en avril dernier, dans l’affaire dite des mines. “Les responsabilités ont été prises, Bobocha est activement recherché au niveau de toutes les îles”, a fait savoir le Garde des Sceaux.
Autre prisonnier célèbre, qui fait en revanche partie des 13 détenus appréhendés par les forces de l’ordre, Mohamed Youssouf alias Mafura condamné à la peine capitale en octobre 2012 pour le viol et le meurtre par étranglement de Fatima Mze Hamadi, une jeune femme étudiante originaire de Samba Bodoni. Il aurait été sérieusement amoché dans la bagarre. “Dans l’accrochage opposant agents de sécurité et détenus, il est possible qu’il ait été blessé”, a indiqué Mohamed Houssein Djamalilayl.
Les conditions carcérales alimentent régulièrement la chronique. La semaine dernière, les détenus avaient entamé un mouvement de contestation et avaient même refusé de s’alimenter pour dénoncer “l’indignité” dans le traitement qui leur est réservé : surpopulation carcérale, fosses septiques pleines et ration alimentaire jugée “insuffisante”, indisponibilité chronique de l’eau. Pour ce dernier point, notre interlocuteur a déclaré avoir fait livrer 3 citernes d’eau, deux de 5 mètres cubes et un de 11 mètres cubes à la première dizaine de novembre “gaspillées en moins d’une semaine”, selon lui. A noter qu’avant l’opération d’évasion d’avant-hier, il y avait 247 détenus à la maison d’arrêt.
Mais pour le Garde des Sceaux, les raisons des évasions sont à chercher ailleurs, aussi bien à Ngazidja qu’à Ndzuani. Les responsabilités n’ont pas été encore dégagées mais les coupables sont d’ores et déjà connus : l’opposition. “Les opérations d’évasion à Moroni et à Koki sont orchestrées depuis l’extérieur par des opposants qui veulent déstabiliser le pays”, a-t-il assuré. Evoquant le tristement célèbre Mafura, il a souligné “qu’un Mafura hors des murs d’une prison aurait provoqué une profonde psychose dans tout le pays”. Pour illustrer la tentative de déstabilisation en cours en se servant de la prison, Il a convoqué le souvenir du commandant Fayçal Abdousalam qui s’est évadé le 28 mars 2019 et mort quelques heures plus tard à Kandani dans des circonstances non élucidées.
Pour autant, l’ancien procureur de la République a reconnu la vétusté des bâtiments abritant les prisons comoriennes. “Ils présentent, il est vrai, des défaillances certaines et nous comptons effectuer des travaux de réaménagement”, a-t-il dit. Celle de Moroni a été construite dans les années 1960 pour accueillir 90 personnes. Dimanche, avant l’opération d’évasion, elle comptait 247 détenus.