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Propos dâun ancien grand Ă©lu de lâEtat comorien, Ă qui on aurait demandĂ© la participation Ă une marche pacifique, il aurait rĂ©pondu : «lâheure est grave et je nâassisterai Ă aucune rĂ©union dĂ©sormais». Cet ancien grand Ă©lu ne croyait pas si bien dire si tant est quâil ait prononcĂ© ces mots. Lâheure est, en effet, trĂšs grave, lâopposition donne une forte impression de tĂątonnements, de lassitude, de peur aussi. De peur surtout. La machine Ă broyer est en ordre de marche. Impitoyablement. «Lâautre» veille au grain, disons «efficacement».
La derniĂšre marche pacifique de Moroni, le vendredi dernier aura permis de percevoir, voire dâapercevoir la peur qui hante les rangs de lâopposition, en tout cas dâun des leaders qui Ă©tait en tĂȘte de la marche. Entre continuer et arrĂȘter, poursuivre et stopper la manifestation, son cĆur balançait. Un dilemme. Un sacrĂ© dilemme.
Peur de «la fameuse moto» et des conditions hautement insalubres de la prison de Moroni ? «Le bras armé» de lâEtat aura rĂ©ussi Ă susciter, plus que de la peur, une psychose. Laquelle sâest rĂ©pandue perfidement jusquâĂ dĂ©mobiliser les militants, les sympathisants et les citoyens, qui nombreux auraient eu Ă redire sur la gestion du pouvoir. Qui fait de la rĂ©pression des libertĂ©s individuelles, son alpha et son omĂ©ga. Qui fait de lâentorse aux rĂšgles Ă©tablies, sa principale ligne de conduite.
Dâabord, il y a Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, assignĂ© Ă rĂ©sidence depuis prĂšs dâun mois, «pour atteinte Ă lâordre public», par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du ministĂšre de lâIntĂ©rieur. Lâancien prĂ©sident est sans conteste celui par qui la mobilisation peut arriver. Faire descendre les Comoriens dans la rue, en nombre important demeure la hantise du rĂ©gime en place. En assignant lâancien raĂŻs Ă rĂ©sidence, le pouvoir a coupĂ© lâherbe sous les pieds de lâUnion de lâopposition, qui peine Ă mobiliser.
Poursuivant sur la mĂȘme ligne de conduite, Mahamoud Elarif, coordinateur du Juwa à Ndzuani a Ă©tĂ© mis «hors dâĂ©tat de nuire» avec de la prison ferme pour quinze jours (quâil a fini de purger) et six mois de prison avec sursis. MĂȘme chose pour le secrĂ©taire du Juwa, Ahmed Hassan El-Barwane qui a, lui, Ă©copĂ© dâune peine dâun an avec sursis. Les deux leaders sâils se dĂ©cident Ă parler, Ă ĂȘtre Ă la tĂȘte dâattroupement, ont de trĂšs fortes chances de se retrouver «dans la maison dâen haut». Comprendre, la bien-nommĂ©e maison dâarrĂȘt de Moroni, «invivable mĂȘme pour les rats», selon un politicien qui y est dĂ©jĂ passĂ©. Tout semble indiquer que dans les prochains rassemblements, la dĂ©capitation se poursuivra.
ParticuliĂšrement taiseux
Et puis, il y a lâautre dossier. Tout le monde sait que tout politique qui se respecte, surtout de ce cĂŽtĂ©-ci du monde, a des cadavres dans son placard. Pour le cas des nĂŽtres, ce ne sont pas des cadavres, mais des charniers quâils comptent dans leur trĂšs immense placard. Nommons donc, le dossier, relatif au programme de la citoyennetĂ© Ă©conomique dont une enquĂȘte est ouverte. Câest lâĂ©pĂ©e de DamoclĂšs qui plane au-dessus de plusieurs tĂȘtes qui aujourdâhui font partie de lâUnion de lâopposition.
A commencer par Ahmed Abdallah Mohamed Sambi (Juwa), Mohamed Ali Soilihi (Updc), Mmadi Ali, Mohamed Bacar et Dossar, entre autres. Tous ont Ă©tĂ© citĂ©s par le rapport parlementaire sur la citoyennetĂ© Ă©conomique. Ici aussi, au-delĂ du fait que les Comoriens veulent comprendre ce quâil est advenu des millions de dollars issus de la vente de nos passeports Ă des apatrides du Golfe, du fait quâils veulent que la lumiĂšre soit faite sur les rĂ©seaux parallĂšles qui ont Ă©tĂ© mis en place, force est de constater que les principaux protagonistes (pas tous) de ce dossier sulfureux se trouvent aujourdâhui dans les rangs de lâopposition et quâil suffit dâun rien pour⊠Est-ce pour cela, que des politiciens, ayant sans doute senti le vent tourner, ont opĂ©rĂ© un revirement spectaculaire alors quâils figuraient parmi les opposants les plus farouches dâAzali ou alors sont particuliĂšrement taiseux ?
Concomitance
Et puis cette rumeur persistante qui promet «un enterrement des dossiers fĂącheux pour peu quâon veuille bien changer son fusil dâĂ©paule». Ceux qui la lancent, en veulent pour preuve la possibilitĂ© quâa eue le dĂ©putĂ© Abou Achrafi, de se rendre Ă Ndzuani, alors quâil lui est interdit de «quitter lâĂźle sur laquelle il se trouve», selon un ordre dâempĂȘchement signĂ© par le procureur de la RĂ©publique, laquelle a Ă©tĂ© refusĂ©e Ă dâautre. Le premier a prĂȘtĂ© allĂ©geance au pouvoir, le deuxiĂšme, non, toujours selon les mĂȘmes mauvaises langues.
Dâautres font valoir la quasi-concomitance entre la dĂ©claration pour la «restauration de lâordre constitutionnel» signĂ©e par le gouverneur de lâĂźle de Ngazidja, Hassani Hamadi, et la demande dâaudition dans le cadre du dossier citĂ© plus haut. Et ajoutent perfidement que sâil sâĂ©tait tenu Ă carreau, rien de bien fĂącheux ne lui serait arrivĂ© et quâil pouvait donc toujours se rattraperâŠComprendre, rĂ©tropĂ©dalage.
Morale de lâhistoire : faire de la politique proprement. Sinon, le risque est grand que vos agissements (pas trĂšs nets) dâhier soient lâarme avec laquelle on cherchera Ă vous achever politiquement. Cette morale est valable pour ceux qui sont au pouvoir aujourdâhui, comme ceux qui Ă©taient aux manettes hier⊠En politique, rien ne se perd.