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Dans le combat qui vous oppose à Djae Ahamada autour du contrôle du Rdc, la justice vient de vous débouter. Si la Cour d’appel confirme la décision du tribunal de première instance, qu’envisagez-vous de faire?
Nous avons fait appel et si cette dĂ©cision devait se confirmer, nous aurions le droit de poursuivre le combat juridique. Au-delĂ du sentiment qui nous anime, il nous faut souligner aussi l’existence d’une jurisprudence. Nous pouvons citer les cas de la Convention pour le renouveau des Comores (Crc) et du Front national pour la justice (Fnj). Si en première instance, les secrĂ©taires gĂ©nĂ©raux de ces partis avaient gagnĂ©, la Cour d’appel a, par la suite, donnĂ© une dĂ©cision qui Ă©tait favorable aux militants.Â
Il faut aussi prendre en compte le fait que le Rdc fasse partie des six partis retenus par la loi. Et cela s’est fait grâce aux Ă©lus que nous avons. Et ces Ă©lus sont de notre cĂ´tĂ©, avec comme secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral par intĂ©rim Abbas Mhadjou en attendant la tenue du congrès. Comment dans ce cas, peut-on dire que Djae Ahmada Chanfi a le parti en main ?Â
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Dans vos propositions pour la modification de la loi sur les partis politiques, vous n’avez pas pris en compte l’esprit de l’actuelle  loi, bien au contraire. Ne risquons pas de nous trouver avec une multitude de partis politiques ?Â
Je crois que nos propositions ne sont pas contraires Ă l’esprit de la loi. Il est de mĂŞme pour celles du cabinet de la prĂ©sidence, qui affirme aussi que la constitution n’interdisait pas la crĂ©ation de partis. Je voudrais ajouter une chose : par rapport Ă nos propositions, il faut pouvoir dissocier l’existence de la reconnaissance. L’existence est le droit de tout un chacun d’avoir un parti politique, mais la reconnaissance des partis politiques dĂ©pendra des conditions Ă respecter pour ĂŞtre reconnu et donc avoir des avantages telles que les subventions. Tant que les partis politiques ne rĂ©pondront pas aux conditions lĂ©gales, ils ne seront pas reconnus. Et indirectement, ils vont disparaĂ®tre, car s’ils n’ont pas le droit de faire des meetings, cela veut dire qu’ils n’existent pas. En rĂ©alitĂ©, c’est une disparition qui ne dit pas son nom.Â
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L’opposition est silencieuse, mise Ă part le meeting de Mahmoud Wadaane et votre confĂ©rence tenue en dĂ©cembre. Ce silence rĂ©pond-t-il Ă une stratĂ©gie ?Â
Je crois que l’opposition a besoin de se reconstruire. Il est vrai que cela fait huit mois depuis que le rĂ©gime a Ă©tĂ© investi, mais il nous faut aussi marquer un temps,  histoire de pouvoir analyser rĂ©ellement ce qu’il se passe, surtout que  nous sortons nous mĂŞmes du pouvoir. Une chose est sĂ»re, nous sommes soucieux de la stabilitĂ© de ce pays. Et c’est pour cela que nous estimons que c’est un devoir pour nous d’apporter notre contribution, mĂŞme en Ă©tant dans l’opposition. Maintenant, il nous faut voir quels partis acceptent de rester dans l’opposition, lesquels veulent rejoindre le gouvernement. Dans les jours Ă venir, vous verrez qu’il y aura la mise en place d’une structure composĂ©e de responsables qui vont diriger l’opposition.Â
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Justement, il y a quelques mois, l’un des leaders du Radhi, Aboudou Soefo, pour ne pas le nommer, avait dit qu’il n’était pas prĂŞt Ă faire partie d’une opposition qui serait dirigĂ©e par vous, que lui rĂ©pondriez-vous aujourd’hui ?Â
Est-ce Ă dire que si aujourd’hui, j’étais le prĂ©sident de la RĂ©publique, il aurait quittĂ© le territoire ? C’est tout ce que j’ai Ă lui rĂ©pondre.Â
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Lors de votre mandature, notamment à la fin de celle-ci, vous avez recruté à tour de bras pour «des raisons politiques», selon l’actuel gouvernement ; ce qui a entrainé les licenciements massifs des jeunes. Que répondez-vous à ces accusations ?
Il y a toujours eu des recrutements, soit en pĂ©riode Ă©lectorale soit en dehors. Pour ma part, j’ai opĂ©rĂ© les premiers recrutements en 2011, alors qu’il n’y avait pas d’élections, et nous avons recrutĂ© 109 enseignants parce que le besoin s’était fait sentir. Ce n’était aucunement liĂ© Ă une quelconque raison Ă©lectoraliste, mais Ă une nĂ©cessitĂ© rĂ©elle.Â
Et puis, qu’on se le dise. Quand le candidat Azali Assoumani proclamait partout lors de sa campagne, «un jeune, un emploi» et qu’aujourd’hui, son gouvernement licencie de façon aussi massive, je peux dire que c’est l’une des erreurs les plus graves de l’actuel rĂ©gime. Ceci concerne aussi bien l’Union que l’île de Ngazidja.Â
Prenons un exemple : pour ce qui est des contractuels de l’Union, ils coĂ»taient 19 millions par mois. Combien coĂ»te le voyage d’un ministre ? Plus. Et le prĂ©sident ? Il eut peut-ĂŞtre fallu commencer par la rĂ©duction du train de vie de l’Etat avant de s’attaquer Ă ces jeunes. On ne peut pas dès le premier dĂ©cret augmenter le salaire des ministres, du staff, continuer Ă voyager autant et dire que ce sont les jeunes salariĂ©s qui sont le problème ! C’est contradictoire. Vous savez, mettre 5.000 personnes Ă la porte peut effectivement ĂŞtre source d’instabilitĂ© et nous sommes inquiets.Â
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Vous avez Ă©tĂ© au pouvoir pendant cinq ans. Pensez-vous pouvoir dĂ©noncer en toute sĂ©rĂ©nitĂ© le rĂ©gime actuel ?Â
Nous n’attaquerons pas juste pour le plaisir de le faire. Nous dĂ©noncerons tout ce qui ne va pas, les actes qui ne vont pas dans le bon sens. Il faut mettre de cĂ´tĂ© l’idĂ©e selon laquelle Mouigni Baraka Said Soilihi attaque le rĂ©gime. Nous ferons aussi des propositions et encouragerons ce qui doit l’être.Â
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Quel bilan tirez-vous des 8 mois du rĂ©gime Azali ?Â
Nous ne voyons aucun changement. Le citoyen comorien a l’impression que les choses se poursuivent dans le mauvais sens et que cela empire de jour en jour. Nous attendons toujours la mise en application du programme du candidat Azali Assoumani. Il y a une hausse de près de 40% des produits. Pour ce qui est de l’électricitĂ©, nous ne voyons pas encore de programme liĂ© Ă l’énergie et c’est ce que les gens qui ont votĂ© pour lui attendaient. Sept ans de pouvoir, dix ans de repli, ils s’attendaient Ă voir un changement s’opĂ©rer. Ce qui n’est pas encore le cas. Il va falloir que le gouvernement rectifie le tir rapidement, surtout qu’il est très ardu de faire une lecture de l’action gouvernementale.Â
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Est ce que vous vous associez aux propos très durs Ă l’endroit d’Azali Assoumani,  tenus par Mahamoud Wadaane lors de son meeting samedi dernier ?Â
Vous l’avez dit, les propos Ă©taient durs. Je n’ai pas Ă m’immiscer dans la vie personnelle des leaders, je me contenterai de critiquer son action politique.Â
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Seriez vous prĂŞts Ă travailler avec lui, Ă©tant entendu qu’il prĂ´ne l’ouverture ?Â
Lors de l’adoption de la loi de Finances, les dĂ©putĂ©s du Rdc ont votĂ© pour, ils ont donc apportĂ© leur soutien. Cette question, il faut la poser au parti. Parce que si vous me la posez Ă moi, je dirais que pour le moment, je suis en observation.Â
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Donc, vous n’êtes pas prĂŞts Ă travailler avec lui, vous ĂŞtes en observation jusqu’en 2021?Â
Je ne suis pas de ceux qui veulent Ă tout moment ĂŞtre au pouvoir. Cela Ă©tant, c’est au parti de dĂ©cider, le dernier mot lui revient.Â
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N’était-il pas prĂ©maturĂ©, après un seul mandat de gouverneur de Ngazidja, de vous prĂ©senter aux prĂ©sidentielles ?Â
Ecoutez, il y a des candidats qui n’ont jamais rĂ©ussi Ă se faire Ă©lire dĂ©putĂ©s, qui n’ont jamais Ă©tĂ© ministres. J’ai Ă©tĂ© candidat aux Ă©lections prĂ©sidentielles parce que j’avais un projet de sociĂ©tĂ© pour le pays. Donc, non, je ne le regrette aucunement.Â
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Pourquoi avoir choisi de soutenir Mohamed Ali Soilihi lors des partielles. N’était-ce  pas une forme de suicide politique ?Â
Non, ce n’était pas un suicide politique. Lors des partielles, nous nous sommes dit qu’elles tournaient autour de 6.000 Ă©lecteurs. Et mĂŞme s’ils votaient tous pour mon Ă©quipe, nous aurions Ă©tĂ© loin du compte Ă©tant donnĂ© que mes adversaires comptabilisaient chacun  plus de 40.000 voix alors que j’en avais moins de 20.000 au second tour. D’oĂą notre dĂ©cision d’abandonner au profit de Mohamed Ali Soilihi, qui est le choix des militants.Â
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D’oĂą notre prĂ©cĂ©dente question, n’était-ce pas prĂ©maturĂ© de vous prĂ©senter aux prĂ©sidentielles ?Â
Lors des primaires, il y avait 25 candidats, 3 ont été retenus. Au 2eme tour, sur les 3, ce sont Mohamed Ali Soilihi et Azali Assoumani qui l’ont été. Ce choix est le fait des électeurs et contre cela, nous n’y pouvions rien. Maintenant, il ne faut pas oublier que nous avions un candidat aux gubernatoriales à Anjouan qui a fini 3eme, cela veut dire que nous avions les moyens de gagner alors que le candidat de la Crc  pour l’élection des gouverneurs sur la même île a à peine recueilli plus de 3% des voix…
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Extrait de l'Interview de Mouigni Baraka Said Soilihi
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