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 Pendant longtemps, nous avons eu des autruches comme constituants. Nos lois fondamentales ont nié le problème des identités insulaires au lieu de s’en occuper à bras le corps. Comme l’on glisse la poussière sous le tapis, elles ont fermé les yeux pensant qu’en cessant de les voir, elles disparaîtraient. La sécession a grondé précipitant notre jeune nation vers son implosion.
La Constitution de 2001 a essayé de ne pas reproduire ce schéma et cela s’est concrétisé par l’État fédéral, l’autonomie des îles et la présidence tournante. Les outils sont sans doute perfectibles voire pour certains carrément à bannir. Mais l’ambition est présente d’en finir avec la centralisation institutionnelle. Mais qu’apprend-on ? La fin annoncée de la fédération. Il serait désormais temps de rappeler l’autruche, car nos experts recommandent l’État unitaire décentralisé. Eurêka !
À ce sujet, il convient de rappeler deux évidences. Premièrement, la République fédérale islamique des Comores n’a toujours eu de “fédéral” que le nom. Si bien, qu’en réalité, nous avons vécu 26 ans sur 42 dans un État unitaire. Il n’aura échappé à personne que l’on n’y vivait pas mieux, que l’État de droit n’était pas la règle et que le séparatisme en a découlé.
En un quart de siècle, durant trois Républiques (1978, 1992 et 1996) nous n’avons assisté qu’une seule fois à une alternance entre deux pouvoirs civils à la suite d’une élection. D’aucuns diront, sans doute que l’on ferait mieux et autrement aujourd’hui.
Il est permis d’en douter, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les frustrations et les abus suscités par un pouvoir central reclus conduiront à la discorde. Les mêmes qui alors se sont retirés, parce que pas assez inclus le referont. Faut-il toujours que l’on soit tenté dans ce pays de reproduire l’histoire ?
Deuxièmement, il ne faut pas se laisser abuser par un mythe juridique qui voudrait que le fédéralisme accentuerait le repli insulaire où l’État unitaire unifierait et donnerait figure de nation à la République. Ce n’est pas exact, insularité ou sentiment national n’ont guère de lien avec la forme constitutionnelle de l’État.
Il suffit d’observer de nos jours, les pays où s’exprime le plus sensiblement les relents sécessionnistes. C’est l’Espagne avec le Pays basque ou la Catalogne, c’est le Royaume-Uni avec l’Écosse, et l’Irlande, c’est l’Italie avec la Lombardie ou la Vénétie, c’est aussi la France, avec la Corse, c’est-à -dire tous des États unitaires. Que ceux-ci soient d’ailleurs affublés du qualificatif de “décentralisés” ou de “régionaux”, cela ne change pas la donne.
Au fond, l’État unitaire n’est pas plus unifiant que l’État fédéral. Il serait même porté à favoriser l’inverse. Les spécificités régionales ne trouvant pas à s’exprimer et à s’administrer sont tentées par la séparation. L’État fédéral au contraire autonomise les entités fédérées. Il leur reconnaît dans leurs particularités et leurs aspirations.
Il en fait une diversité pour enrichir la nation. Pour cela, il faut redonner aux îles la compétence générale et réserver à l’Union, une compétence exclusive d’attribution sur une liste limitative rapportée à ce qu’il y a de régalien dans la République. La nature a fait de nous un archipel. Il faut dès lors accepter que, pour nous, la fédération soit la forme d’État la moins inadaptée.
Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public
Chargé d’enseignement à l’Université
de Toulon