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Le ministĂšre public, faut-il le rappeler, est avant tout un service public. Et sâil tient lâaccusation et lâopportunitĂ© des poursuites, le procureur ne doit user de ses prĂ©rogatives pour attaquer que pour autant quâil sâagisse de dĂ©fendre la sociĂ©tĂ©.
Non pas la société politique, coutumiÚre ou autre, mais celle fondée sur la Loi fondamentale qui la constitue et les lois ordinaires qui la régissent. Avec une idée simple, celui qui contrevient à la rÚgle en commettant une infraction a nui à la société entiÚre.
Il doit ĂȘtre poursuivi et placĂ© devant une justice Ă©quitable en situation de se dĂ©fendre. Puis, si culpabilitĂ© il devait y avoir, requĂ©rir une peine, non pas pour venger, mais pour corriger. Aucune autre motivation ne doit animer le ministĂšre public. Le procureur doit toujours se souvenir quâil nâest pas une autoritĂ© de jugement, mais un magistrat, partie Ă un procĂšs.
Il ne lui appartient ni de juger, encore moins de prĂ©juger. Sa seule rĂ©fĂ©rence, câest la loi. DĂšs lors quâil existe des raisons objectives de penser que quiconque a pu la violer, puissant ou faible, il doit mener dans lâintĂ©rĂȘt du peuple comorien au nom duquel toute justice est rendue, lâaction publique.
Il est Ă©vident quâil ne sâagit pas dâune fonction aisĂ©e Ă assumer. Le parquet dâexportation française que nous avons installĂ© aux Comores y reproduit les mĂȘmes travers. Le procureur ne peut offrir toutes les garanties dâindĂ©pendance et dâimpartialitĂ© qui sied Ă une telle autoritĂ©. Il peut recevoir des instructions de celui qui fait presque office de supĂ©rieur hiĂ©rarchique : le ministre de la Justice, membre du gouvernement.
Il est le relais de la politique pĂ©nale dĂ©cidĂ©e par le pouvoir exĂ©cutif. Que ce dernier veuille une rĂ©pression plus forte pour telles infractions et plus de tolĂ©rance pour telles autres que le procureur sâexĂ©cutera. Pareille situation est dĂ©jĂ problĂ©matique pour des pays avec une justice forte, elle devient insoutenable dans des pays minĂ©s comme le nĂŽtre par une justice embryonnaire.
Lâaffaire des clous le dĂ©montre comme celle des priĂšres de lâAĂŻd avant elle. Le ministĂšre public se retrouve au premier rang pour sâassurer que sera puni Ă tout prix âlâattentatâ comme jadis, il a requis des peines privatives de libertĂ© pour un acte de foi. Aujourdâhui comme hier, le point commun Ă©tant que la discrĂ©tion de positions politiques semble avoir eu raison de lâapprĂ©ciation du parquet.
Les hommes y sont pour quelque chose, mais les institutions ne leur rendent pas service. Aussi, lâon ne peut quâencourager une rĂ©forme des textes afin de libĂ©rer le ministĂšre public de la tutelle du garde des Sceaux donc du gouvernement, dâinterdire les instructions sur les affaires individuelles et dâĂ©tendre lâinamovibilitĂ© des magistrats du siĂšge Ă ceux tout aussi exposĂ©s du parquet.
Au carrefour de lâinstitution judiciaire, des instructions gouvernementales et de la vindicte populaire, le ministĂšre public est une des clĂ©s de voĂ»te de la RĂ©publique au milieu de vents contraires. Sâil vacille, il servira lâarbitraire bien malgrĂ© lui.
DĂ©sormais de plus en plus enclins Ă sortir de lâanonymat, nous lui ferons la mĂȘme remarque quâĂ tous les acteurs publics, prĂ©sident, ministre, dĂ©putĂ© ou juge : il y a ce que lâon fait et ce que lâon donne Ă voir. Retrouvez le visage de la loi, messieurs les procureurs. Accrochez-vous Ă la dĂ©ontologie, elle vous protĂ©gera autant que faire se peut de la servitude volontaire dans laquelle vous ĂȘtes tentĂ©s de vous complaire. La Constitution vous en garde. Du moins, ce quâil en resteâŠ
Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public,
ChargĂ© dâenseignement Ă lâUniversitĂ© de Toulon