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Interview de Souef Mohamed El-Amine, ministre des Affaires Ă©trangĂšres : “Nous prĂ©conisons la libre circulation des personnes et des biens”

Interview de Souef Mohamed El-Amine, ministre des Affaires Ă©trangĂšres : “Nous prĂ©conisons la libre circulation des personnes et des biens”

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Au cours d’une interview exclusive accordĂ©e Ă  Al-watwan, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres et de la CoopĂ©ration internationale, Souef Mohamed El-Amine est longuement revenu sur la crise actuelle avec la France et notamment la situation Ă  Mayotte. On y apprendra qu’une rencontre avec Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires Ă©trangĂšres français, est programmĂ©e et que la date sera connue dans les prochains jours.

 


OĂč en est la situation avec la France ?



Nous avons hĂ©ritĂ© d’une situation qui Ă©tait tendue, s’agissant de nos relations. J’ai reçu  une instruction de la part du gouvernement, qui est l’apaisement. Je crois que mon homologue français a lui aussi reçu la mĂȘme instruction. Le 12 septembre 2017, nous avons Ă©laborĂ© une feuille de route. Nous sommes parvenus Ă  scinder en deux, les rapports entre les Comores et la France.

Nous avons fait en sorte qu’il y ait une commission mixte qui va s’occuper exclusivement de la coopĂ©ration entre les deux pays et le Haut Conseil Paritaire qui est lui, en charge du dossier de Mayotte, chose que les Français n’avaient jamais acceptĂ©e et qui aujourd’hui est une rĂ©alitĂ©.

Nous nous sommes rĂ©unis en dĂ©cembre et nous nous sommes mis d’accord sur un certain nombre de choses liĂ©es Ă  la coopĂ©ration et un comitĂ© de suivi a Ă©tĂ© mis en place. Il devait se rĂ©unir au mois de mars dernier mais la partie française a demandĂ© son report. Ainsi, la date du 12 avril prochain a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e. Grosso modo, nous avons orientĂ© la politique de la coopĂ©ration avec la France en tenant compte des nouvelles orientations gĂ©nĂ©rales du gouvernement et les Français essaient d’inscrire leurs interventions aux Comores dans ce cadre.

 


Il est prévu une rencontre avec votre homologue français, Jean-Yves Le Drian,  une date a-t-elle été fixée ?



Cette rencontre est importante. Nous avons la chance ici aux Comores, s’agissant de Mayotte, de ne parler que d’une seule voix. Les positions sont concordantes aussi bien avec les Ă©lus, qu’avec la sociĂ©tĂ© civile ou encore la population, et Ă©videmment avec le gouvernement. Ce qui n’est pas le cas de la partie française, il y a visiblement un problĂšme d’apprĂ©ciation entre les ministĂšres des Outremers, de l’IntĂ©rieur ou encore des Affaires Ă©trangĂšres.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir au tĂ©lĂ©phone  avec le ministre des Affaires Ă©trangĂšres français, nous nous sommes mis d’accord sur la nĂ©cessitĂ© de mettre en place une nouvelle structure et adopter une nouvelle approche par rapport Ă  la question de Mayotte.

Nous avons insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© d’avoir un dialogue franc et sincĂšre, et je me rĂ©jouis de constater que le gouvernement français en a pris bonne note, parce que le premier ministre français parle de discussions fermes et confiantes.

Il y a une intervention rĂ©cente du ministre Le Drian Ă  l’AssemblĂ©e nationale au cours de laquelle il a parlĂ© de deux choses : la sĂ©curisation de tous ceux qui vivent Ă  Mayotte, ce qui est aussi notre premiĂšre prĂ©occupation, et des discussions franches. Nous n’avons pas encore arrĂȘtĂ© d’agenda mais je suis convaincu que dans les 48 ou 72 heures, nous aurons une date.

 


Depuis le dĂ©but de cette crise, vous parlez de solution pĂ©renne, de solution caillou, quelle est-elle ? Surtout que votre homologue français parle d’intransigeance quant Ă  la souverainetĂ© de la France et avec elle Mayotte ?



Ce n’est pas la position de la communautĂ© internationale, Ă  commencer par les Nations unies dont la France est membre permanent du Conseil de sĂ©curitĂ©. Les rĂ©solutions pertinentes de l’Onu, dĂ©finissent le pays comme Ă©tant un archipel composĂ© de 4 Ăźles.  Maintenant si des annĂ©es aprĂšs notre accession Ă  l’indĂ©pendance, la France parle d’intransigeance concernant sa souverainetĂ© sur Mayotte, c’est une chose que nous avons intĂ©grĂ©e depuis 1975.

Et c’est un problĂšme d’interprĂ©tation du droit  international. La France est un pays qui dĂ©fend le droit, qui est garant du droit dans le concert des nations, et je ne pense pas qu’elle puisse davantage violer le droit. En tous cas, nous ne transigerons jamais sur la souverainetĂ© comorienne sur l’üle de Mayotte.

Maintenant, il est clair qu’il n’y aura pas de solution miracle.  Je crois que c’est une avancĂ©e diplomatique dans le fait mĂȘme que la France s’assoit avec nous sur la question de Mayotte. C’est une reconnaissance du litige qui nous oppose.

Et puis, les statuts sont toujours Ă©volutifs. Mayotte a connu plusieurs statuts sous la 5Ăšme RĂ©publique. Nous avons des propositions concernant Mayotte, qui peuvent ĂȘtre Ă©volutives jusqu’à son retour dĂ©finitif.  

 

 


L’idĂ©e d’une confĂ©dĂ©ration d’Etats ou d’une communautĂ© de l’archipel des Comores refait rĂ©guliĂšrement surface dans les mĂ©dias, notamment français, est-ce qu’elle est seulement envisageable pour la partie comorienne ?



Absolument, il y a plusieurs propositions et comme je le disais, le processus peut ĂȘtre Ă©volutif.  Ce qui est sĂ»r, nous ne pouvons pas avoir pas une confĂ©dĂ©ration d’Etats, il faut se mĂ©fier parce qu’il s’agit lĂ  d’une faute grave et d’une manipulation de la partie française. Nous devons Ă©viter les jeux de mots.

 


Le ComitĂ© des Sages et la sociĂ©tĂ© civile estiment que l’abolition du Visa Balladur devrait ĂȘtre un prĂ©alable Ă  toute nĂ©gociation avec la France, cette position est elle partagĂ©e par le gouvernement ?



C’est une option mais nous, nous prĂ©conisons la libre circulation des personnes et des biens. Ceci Ă©tant, cela ne veut pas dire que tout le monde va fuir vers Mayotte.
Notre devoir est de stabiliser les gens, de leur donner des moyens de se dĂ©velopper dans leur environnement naturel. Mais, ce qui est hors de question, c’est d’empĂȘcher les gens d’aller et venir au sein  de notre archipel et c’est valable pour les 4 Ăźles.

 


La France reprĂ©sente aussi l’Union europĂ©enne, la France ne dĂ©livre-t-elle pas des visas pour les autres pays de l’Espace Schengen ? Si non, avez-vous interpellĂ© Bruxelles ?



Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas soumis de dossiers de personnes candidates pour une mission Ă  effectuer dans un pays de l’Union europĂ©enne. Il y a les accords de siĂšge qui exigent un certain regard par rapport aux dossiers qui sont traitĂ©s dans le pays d’accueil. La France ne peut pas empĂȘcher des officiels comoriens de se rendre Ă  Bruxelles dans le cadre de notre coopĂ©ration avec l’Union europĂ©enne ou Ă  GenĂšve pour les Nations unies, ou Ă  Paris pour l’Unesco ou la Francophonie.

Par contre, si la France n’entend pas dĂ©livrer des visas dans le cadre de notre coopĂ©ration bilatĂ©rale, pour des activitĂ©s qui ont lieu Ă  Paris, ce serait normal puisque c’est un pays souverain. En bref, la suspension de la dĂ©livrance des visas est un non-Ă©vĂ©nement. Pour ce qui est de la question, nous n’avons pas saisi Bruxelles puisque le problĂšme ne s’est pas encore posĂ©.

 


Cela fait 20 ans que la question de l’üle comorienne n’a pas Ă©tĂ© inscrite Ă  l’ordre du jour dĂ©finitif aux Nations unies, est-ce prĂ©vu pour la prochaine assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale ?



La question de l’üle comorienne est inscrite depuis 1975 Ă  la demande du groupe africain aux Nations unies. Effectivement, depuis 1994, et c’est une nouvelle stratĂ©gie, la question est inscrite mais il n’y a pas eu de dĂ©bats. Pour rĂ©pondre Ă  votre question, nous allons Ă©voluer, nous allons apprĂ©cier.

Si le dialogue bilatĂ©ral ne donne rien, nous allons activer toutes les instances qui sont de nature Ă  nous appuyer Ă  commencer par le ComitĂ© des 7 au niveau de l’Union africaine. Et puis, essayer de nous positionner pour l’adoption de rĂ©solutions au niveau de l’Onu et toutes les autres organisations rĂ©gionales.

 


La commission mixte tient-elle toujours, si oui  pour quand est prévue la prochaine rencontre ?


Jusqu’à preuve du contraire, elle tient toujours. Et il est hors de question de lier les travaux de la Commission mixte à la gestion de la crise actuelle.

 


Un site internet proche des milieux du pouvoir russe a indiquĂ© dans un article paru le 1er avril, que vous seriez prĂȘt Ă  rompre les accords monĂ©taires et de dĂ©fense d’avec la France, est-ce vrai ?


C’était un poisson d’avril mais les problĂšmes Ă©voquĂ©s sont sĂ©rieux. Et ce sont des questions qui doivent prĂ©occuper les deux  parties. Puisque les relations entre Moroni et Paris sont basĂ©es sur des accords qui ont Ă©tĂ© signĂ©s en 1978. Certains accords sont caducs, il y a lieu de les revisiter.

 


Est ce qu’aujourd’hui, les trois Ăźles ont quelque chose Ă  envier Ă  la partie occupĂ©e ?


Non. Nous aussi, nous avons le devoir de soutenir nos frĂšres mahorais pour les problĂšmes liĂ©s au chĂŽmage ou encore Ă  la formation dans la perspective de l’intĂ©gration de Mayotte dans l’Ensemble juridique comorien. Nous sommes contents de voir que la quasi-totalitĂ© des cadres supĂ©rieurs mahorais actuels ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’appui du gouvernement comorien.

Et hĂ©las, ce que nous dĂ©plorons aujourd’hui, nous ne pouvons que constater que les postes Ă  responsabilitĂ©s, les positions stratĂ©giques sont tenus par des Français venus de l’hexagone. Les Mahorais qui sont formĂ©s actuellement sont des cadres moyens, ils n’ont pas la possibilitĂ© de tenir des postes Ă  hautes responsabilitĂ©s, Ă  l’exception de ceux qui ont Ă©tĂ© formĂ©s par les autoritĂ©s comoriennes.

Les Mahorais sont confrontĂ©s Ă  des problĂšmes d’infrastructures, ils ont le droit de dire haut et fort qu’ils sont mal servis. La situation qui prĂ©vaut Ă  Kaweni n’a pas besoin d’ĂȘtre expliquĂ©e pour ceux qui ont vu la vidĂ©o, la situation est en effet choquante.  Nous sommes choquĂ©s de voir un territoire amputĂ© par la France et que celle-ci n’arrive pas Ă  assumer ses responsabilitĂ©s.

Si nous faisons une comparaison avec Ceuta et Melilia, qui sont deux territoires marocains occupĂ©s par l’Espagne, le cas n’est pas similaire. Ce qui se passe aujourd’hui Ă  Mayotte n’honore pas le prĂ©fet de Mayotte encore moins le ministĂšre français des Outremers.

 

 


On parle de la mise Ă  disposition d’un agent de liaison français au ministĂšre de l’IntĂ©rieur, est-ce que vous le confirmez ?


Au fait, c’est un point parmi ceux discutĂ©s le 12 septembre dernier dans le cadre de  la feuillie de route.Et il n’y a pas que l’agent de liaison qui devait ĂȘtre dĂ©tachĂ© au ministĂšre de l’IntĂ©rieur. Maintenant, soit la feuille de route est suspendue par la partie française, soit elle reprend, mais de notre cĂŽtĂ©, nous n’avons pas reçu de notification officielle sur sa reprise ou sa suspension.
Si la France est disposĂ©e Ă  mettre  un agent de liaison,Ă  la disposition du ministĂšre de l’IntĂ©rieur, ça ne peut ĂȘtre que dans la coopĂ©ration entre les deux pays.

 


Sur un autre volet, vous revenez d’un voyage officiel au KoweĂŻt avec le prĂ©sident de la RĂ©publique, une commission mixte a Ă©tĂ© mise en place, en quoi consiste-t-elle ?


Il y a eu des accords sur le plan mĂ©dical, de l’éducation, sur le transport aĂ©rien et dans le domaine des investissements. Ces accords ont Ă©tĂ© signĂ©s il y a plusieurs annĂ©es mais comme il n’y avait pas de cadre-mĂšre, la commission mixte ne pouvait pas ĂȘtre mise en application. Aujourd’hui, nous avons signĂ© cet accord, qui sera ratifiĂ© dans les jours qui viennent. La commission mixte va se tenir alternativement Ă  Moroni et Ă  KoweĂŻt-City.

 


Quelles sont les nouvelles orientations de la politique étrangÚre ?


En parlant de l’unitĂ© et de l’intĂ©gritĂ© territoriale des Comores, nous parlons de questions de sĂ©curitĂ©, nous parlons aussi de dĂ©veloppement. Nous ne pouvons pas parler de dĂ©veloppement sans stabilitĂ© politique.Tant que Mayotte gardera ce statut Ă©quivoque, il n’y aura pas de stabilitĂ© politique. Ensuite, nous orientons la diplomatie des Comores vers l’émergence Ă  l’horizon 2030. Enfin, la place des Comores dans le concert des nations. C’est un petit pays qui compte jouer un rĂŽle important. Nous comptons faire entendre la voix des Comores


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