Athoumani Ali Ivessi,enseignant
Les élections législatives sont totalement différentes des élections présidentielles. En effet, les élections présidentielles concernent moins de personnes, selon nos habitudes (on vote plus pour la personne la plus proche que pour celle qui est réellement la plus importante pour le pays). L’absence des opposants faciliterait encore la tâche à Azali Assoumani. De plus, les partis politiques de l’opposition ne devraient pas se contenter de présenter de nouveaux jeunes sur la scène politique. À mon avis, la solution la moins mauvaise serait de voir tous les leaders des partis politiques qui ont majoritairement participé aux élections présidentielles se porter candidats aux élections législatives. C’est-à-dire des figures comme Daoudou Abdallah Mohamed, Fahmi Saïd Ibrahim El Maceli, Salim Issa Abdillah, Assoumani Saandi, Mougni Baraka Saïd Soilihi, Youssouf Mohamed Boina, Ahmed Hassane El-Barwane, etc. J’aimerais voir ces grandes figures de la scène politique comorienne se déclarer candidats aux élections législatives. Maîtriser une sous-région est relativement facile, mais maîtriser tout le pays l’est beaucoup moins. Si chacun de ces leaders maîtrise sa ville et ses alentours, nous pourrions espérer des résultats positifs, ou tout du moins indirects, qui pourraient mener à des résultats bénéfiques. Ne pas se présenter n’est pas une bonne solution, mais se présenter sans conviction n’est pas non plus la meilleure solution. Il faut se présenter avec force et envisager d’autres options.
Chabane Mohamed,enseignant, ancien membre du bureau exécutif de la Confédération des travailleurs comoriens.
«Je pense que l’opposition comorienne ne gagnera rien à pratiquer la politique de la chaise vide aux prochaines législatives. À chaque fois qu’elle l’a fait, elle n’a jamais eu gain de cause. Bien au contraire, le président Azali en a toujours fait du pain béni et l’opposition plus fragilisée et plus inaudible. L’opposition comorienne s’est toujours trompée de combat, au moins de 2017 à aujourd’hui. En 2018, elle avait péché, en tournant le dos aux Assises nationales. La nature a horreur du vide.
Après, elle avait décidé de faire une fixation sur 2021 pour des élections incertaines au profit d’Anjouan, au lieu de mettre l’emphase sur les élections de janvier 2024. Pendant qu’Azali se préparait pour 2024, l’opposition était là à scander des slogans hostiles et à asséner de colossaux coups d’épée dans l’eau. Quand elle avait enfin décidé de se réveiller pour prendre part aux élections de 2024, c’était trop tard, elle s’était elle-même tiré une balle dans le pied.
Pour les prochaines législatives, elle devrait dès maintenant tirer les leçons de ses échecs passés, aligner des candidats crédibles, avoir un discours et des projets alternatifs, en lieu et place de la rhétorique à laquelle elle nous a habitué ces dernières années. Car, les législatives constituent une vraie rencontre entre les prochains élus et les citoyens. Tout ne se jouera pas systématiquement à la CENI et à la Cour suprême.»
Mohamed Mroudjae,secrétaire chargé du dialogue social et tripartite de la Cttc (Confédération des travailleurs et travailleuses des Comores)
Le bon fonctionnement d’un État repose sur trois classes sociales : le gouvernement, l’opposition et la société civile. Or, on constate l’absence de l’opposition dans la prise de décision, notamment à l’Assemblée nationale, là où les lois sont votées. Plusieurs raisons expliquent cette situation, la transparence étant l’une des principales, ainsi que le refus de contribuer à valider des élections dans des conditions jugées illégales. Pour ma part, je ne pense pas que cette attitude soit la bonne. Être absent pendant une longue période, est-ce vraiment atteindre son objectif ? Est-il utile de continuer à chanter une mélodie qui ne mène nulle part ? En tout cas, partout en Afrique, et même aux États-Unis, la chanson de la non-transparence laisse des traces, comme en témoigne l’exemple de Donald Trump. Ce dernier n’a pas croisé les bras et a réussi à regagner le trône. Pour conclure, une vraie opposition ne peut pas abandonner le terrain. En effet, on ne peut pas espérer la victoire sans être présent sur le terrain. Certains opposants refusent de participer, car ils estiment avoir perdu leurs bases, leurs militants et leurs partisans, mais ils restent ainsi dans le même scénario.
Fatuma Mohamed Eliyas, citoyenne lambda
«Ce sont des élections de proximité. Le peuple sait ce qu’il veut et connaît les gens qu’il veut. Cependant, l’absence de culture démocratique et citoyenne continue de biaiser les scrutins, et la précarité influence lourdement les choix du peuple lors des échéances électorales. Cela entraîne une perte de crédibilité des élections, qui deviennent une mascarade aux yeux de la population. Encore une fois, le pouvoir va envoyer des ministres, mais personne ne les connaît vraiment. Ce serait dommage que l’opposition n’y participe pas, car ce serait trop facile de gagner contre de tels candidats. Si j’étais dans l’Opposition unie des Comores, je lui dirais de s’engager et de mettre le paquet, car c’est une occasion de faire la différence. L’opposition est fragilisée, certes, mais elle ne doit pas se marginaliser pour autant. Elle doit s’organiser et adopter une démarche commune ; il y a une réelle opportunité. Elle doit aussi définir des objectifs précis pour remporter certaines localités clés et affaiblir le système politique en place. Hambu, Washili, Hamanvu, ou Bambao ya hari pourraient être pour elle des cibles prioritaires, en y investissant tous les moyens. À Anjouan, arracher Nyumakele et Mutsamudu pourrait être stratégique pour affaiblir les leaders de la Crc.»
Abdoulfatah Ali, enseignant de français
«S’il n’y a aucune garantie de transparence, l’opposition perdra sans doute ses élections. Sa participation et sa non-participation reviendraient à la même chose. Le pays a besoin de changer de cap et des législatives transparentes pourraient nous mettre sur la voie de ce changement. Pourtant s’il y a quelque chose dont le régime a peur c’est la transparence. L’opposition a raison. Le régime a tué le goût de l’effort. Ce qui s’est passé ces dernières années doit nous servir de leçon. Il n’y a pas de «respiration» démocratique sans des élections transparentes.»