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LâaĂ©roport, Ă proprement parler ne paie de pas mine. DĂšs le âparkingâ au sol boueux et rouge, le dĂ©cor est plantĂ©. La salle dâattente se trouve sur ce qui doit ĂȘtre une terrasse. Les bagages sont entreposĂ©s Ă mĂȘme le sol. Leurs propriĂ©taires attendent patiemment leur vol, sous la chaleur suffocante de ce samedi. Le bĂątiment principal aurait besoin au pire dâune bonne couche de peinture, au mieux dâĂȘtre rasĂ©.
Le comptoir dâenregistrement est tout aussi dĂ©labrĂ©. Un plafonnier, ne fonctionne plus, Ă lâĂ©vidence depuis Mathusalem. Ici, on confirme les billets. La pesĂ©e des bagages y a Ă©galement lieu. Elle a lieu sur une simple balance, comme celle quâon trouve dans les supĂ©rettes.
Au sein de cette salle, se trouve un espace, sĂ©parĂ© du reste par un contreplaquĂ© et un rideau. Il y a Ă©crit âpas de fouille, pas de volâ. Les passagers sont tenus dây faire un tour avant de poursuivre leurs formalitĂ©s en vue de prendre lâavion.
Deux portiques de sĂ©curitĂ©, trĂŽnent piteusement. Ils ne servent Ă rien. Selon une employĂ©e rencontrĂ©e dans la âsalle de fouilleâ âcela doit faire au moins deux ans quâils sont hors- serviceâ. Un agent de la sĂ»retĂ© rĂ©pondant au nom de Youssouf Fakihidine, assure que câest bien cela. Deux ans et cela nâĂ©meut personne.
Alors, la fouille se fait manuellement ou avec un détecteur de métaux à main.
Nous quittons le bĂątiment pour aller sur la piste en passant par lâentrĂ©e placĂ©e Ă cĂŽtĂ© de lâAnpi. Et malgrĂ© lâaffaire dite des clous, nous y entrons sans guĂšre de difficultĂ©s. En arrivant, nous y trouvons une haute autoritĂ© en train de houspiller un des responsables de lâaĂ©roport, Ă cause justement du manque de surveillance.
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Ce nâest pas normal que lâon puisse passer ce portail sans avoir Ă©tĂ© au prĂ©alable, identifiĂ© et minutieusement fouillĂ©Â ; ce qui sâest passĂ© ne vous a donc pas servi de leçons, sermonnera-t-il.
âLa piste 31 est aussi une aire de jeuâ
La discussion sera un peu tendue. Mais le portail finira par ĂȘtre fermĂ©. On apprendra aussi, quâune section militaire avait dĂ©posĂ© ses bagages sur la piste, une section lourdement armĂ©e. Elle sera ici, de façon permanente.
Pour sortir, nous passerons par une autre voie, sécurisée, cette fois. Direction Bangani, quartier qui se trouve aussi à Bandar es Salam. Nous marchons tout son long et arrivons au niveau de la clÎture. Quelques mÚtres plus loin, se trouve la désormais fameuse piste 31. Plus loin encore une concasserie et des verts pùturages.
En fait de clĂŽture, nous nous trouvons en face dâun mur qui ne dĂ©passe pas un mĂštre de hauteur, quâenfant et adulte peuvent facilement enjamber. Ils ne le feront pas, puisquâune voie a Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©e. En effet, tout un pan a Ă©tĂ© dĂ©moli. Nous y rencontrons un jeune Ă©leveur. Lui dira tout simplement
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demander au prĂ©alable Ă lâagence lĂ -bas, ( aĂ©roport, ndlr) sâil nây a pas de vol avant de traverser la piste afin de trouver de quoi nourrir ses bĂȘtes.
Les pĂȘcheurs aussi feraient la mĂȘme chose mais pour atteindre la mer. Les bĂȘtes pour se sustenter dans cette luxuriante verdure que nous apercevons de loin, traversent elles aussi la piste. Et les enfants, eux y vont pour y jouer. La piste 31 est aussi une aire de jeu pour les plus petitsâŠ
Dâailleurs, quelques mĂštres plus loin, nous trouverons une maman, Roihamata Bacar, qui a plusieurs enfants.
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Vous savez, nous ne sommes pas tranquilles, nos enfants vont jouer sur le tarmac et chaque fois quâun avion se pose ou dĂ©colle, nous les cherchons nerveusement, tĂ©moignera-t-elle.
Elle ajoutera que depuis lâĂ©vĂšnement du 19 fĂ©vrier, les habitants de Bangani ont peur. Peur, non parce quâils se sentent coupables mais du fait de la proximitĂ© avec le lieu âdu crimeâ.Â
âNous nous enfermons Ă double-tour dĂšs la tombĂ©e de la nuit, nous nâavons rien Ă nous reprocher mais comme notre quartier est Ă cĂŽtĂ© de la pisteâ, dira-t-elle. Dâailleurs, la gendarmerie y avait fait une descente mais tous ceux qui ont Ă©tĂ© interpellĂ©s ont Ă©tĂ© tous relĂąchĂ©s.
âFatiguĂ©s et en dangerâ
A lâentrĂ©e de Bangani, plusieurs hommes sont assis sur une petite place. Lâun dâentre eux, taximan de son Ă©tat a acceptĂ© de nous parler. âVous savez, nous sommes fatiguĂ©s, nous nous sentons en dangerâ, lĂąchera-t-il dâemblĂ©e. Et nous fera cette surprenante rĂ©vĂ©lation alors que le peuple comorien est gĂ©nĂ©ralement viscĂ©ralement attachĂ© Ă âsa terreâ.
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Nous sommes prĂȘts Ă partir, Ă construire nos maisons ailleurs, si on nous en donne les moyens, nous sommes fatiguĂ©s de vivre avec cette crainte perpĂ©tuelle. Quâil soit entendu.
A quelques mĂštres de lĂ , un nouvel aĂ©roport avec une tour de contrĂŽle pas encore achevĂ©e (le sera-t-elle jamais ?), un bĂątiment principal et un autre qui Ă©tait censĂ© remplacer lâactuel, toujours dans la mĂȘme zone avec les mĂȘmes risques et sans doute les mĂȘmes consĂ©quences.
Une infrastructure qui aurait coûté 900 millions de francs et dont le marché aurait été obtenu de façon opaque. Un nouvel aéroport pas fini que déjà presque en ruine.