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Si la procédure pénale aux Comores vous était contée, elle vous amènerait au pays de l’arbitraire. Où partout ailleurs, du moins dans les États de droit, elle a été pensée pour protéger, elle ne semble, chez nous, servir qu’à contraindre et réprimer.
On ne trouve pas profitable d’enquêter, confronter et expertiser avant de trancher, mais plus expédiant d’enfermer. La privation de liberté comme réponse pénale de principe sans jugement ni contradictoire. Il est peut-être nécessaire de rappeler les principes directeurs de la procédure pénale ainsi que sa finalité. N’oublions jamais que l’on est tous des potentiels justiciables, il ne faudrait pas que l’on nous mue en potentiels coupables.
L’on pense toujours que la procédure pénale n’a qu’une fin en soi, punir les criminels. C’est une vision étriquée de la discipline. En réalité, elle poursuit un objectif bien plus conciliant que cela : la manifestation de la vérité. Dès lors que celle-ci s’est dévoilée, la justice peut être rendue avec plus de sérénité. C’est ainsi que tous les mécanismes prévus doivent être mis en œuvre dans ce sens. Nulle contrainte si elle n’est pas nécessaire à la vérité. Avant d’interpeller, garder à vue ou de détenir provisoirement, encore faut-il s’assurer que cela apportera une plus-value à l’enquête.
À y regarder de près, l’on se rend compte que tous les mécanismes sont détournés de ce à quoi ils ont été créés pour servir tout ce à quoi, le parquet donc la main invisible du gouvernement pourra juger utile. Au fond, ils permettent de punir avant le jugement. La détention quoique provisoire est une détention quand même. Beaucoup sont à la maison d’arrêt de Moroni, sans être jugés. Ni coupables, toujours innocents, mais quand même privés de liberté.
En outre, l’on peut dénoter une procédure pénale peu soucieuse du principe d’égalité. Selon que vous serez proche ou éloigné du pouvoir, la lenteur ou la célérité de la justice s’en fera ressentir. Si de plus, l’on considère le sentiment d’impunité qui gangrène certains, l’on obtient une structure judiciaire partiale et peu rassurante.
Il suffirait pourtant de s’en tenir aux textes pour remarquer l’extrême prudence qui guide le législateur. Il réclame toujours des preuves, solides, consistantes ainsi que des bonnes raisons concordantes pouvant démontrer la commission d’une infraction. Il impose un contradictoire, des délais et beaucoup de motivation derrière toute décision procédurale.
Force est de constater qu’il prêche dans le néant. Un peu normal lorsqu’on sait que souvent, le nôtre n’a fait que mimer les mots de l’ancien législateur colonial. Mais, tout de même, la protection de la liberté n’est ni française ni comorienne, elle est universelle.
Au fond, c’est toute une chaîne qu’il faut rééduquer à l’importance de l’humain, ses droits et sa dignité. Ne l’enfermer que pour autant que faire autrement ne se conçoive pas. Devant la machine judiciaire, on est un justiciable, mais surtout un citoyen, et même au mauvais d’entre nous, la nation doit toujours présumer la liberté. Elle doit toujours leur assurer une intégrité. Elle n’est pas infaillible étant une entreprise de l’homme, mais la justice se doit d’être mesurée et bonne fille de la République. Mais eu égard au peu de considérations que l’on manifeste pour cette dernière, l’on ne doit pas s’étonner de la déviance de certaines de ses institutions. C’est le climat général, il est à la faiblesse du Droit. Hélas !
Mohamed RafsandjaniDoctorant contractuel en droit publicChargé d’enseignement à l’Université de Toulon