Quels sont, monsieur, les objectifs du label «Black Record?»
C’est de réunir des artistes comoriens et de notre ville de Shuani, en particulier. Il faut dire qu’en un clic, ce projet a pris une certaine ampleur auprès de nombreux artistes de toute la région de Hambuu. Je pense que cela commence à prendre forme, petit à petit.
Vous avez plusieurs artistes encore méconnus du grand public, pourquoi ce choix?
Nous voulons donner de la visibilité aux artistes qui, dans les villages, ont des talents cachés. Nous avons constaté qu’ils ont tout le mal du monde à se faire découvrir essentiellement pour des problèmes de finance.
Ici, au village, il y a plein d’artistes talentueux, avec Black record nous allons leur offrir l’opportunité de s’exprimer. Pour se faire, nous leur demandons une contribution symbolique juste pour pouvoir régler les factures d’électricité.
Ces artistes sont bourrés de talents et notre objectif est de montrer à tous qu’ils existent et qu’ils sont bons comme les autres ou même, parfois, peut-être plus.
Pour un début, on n’est pas obligé de les faire se produire à Moroni, nous allons commencer par nos régions tout en mettant en place des collaborations avec les artistes et les structures de la capitale.Au tout début, je ne connaissais que deux artistes. Puis, rapidement, d’autres sont venus les rejoindre et cela me donne, encore plus, le courage de persister. Dans notre seule localité, nous avons, déjà, huit artistes et beaucoup d’autres à Bangwa, Mistudje, Djumwashogo et Salimani viennent pour enregistrer.
Comment faites-vous pour détecter ces jeunes?
Au début, c’était vraiment par hasard. J’ai toujours rencontré des jeunes qui avaient envie de faire de la musique mais qui étaient refoulés un peu partout. Je me suis dit que je devais leur donner la chance de vivre leur passion. Je les enregistre moi-même et m’occupe de tout ce qui est technique. Depuis, ils viennent de plus en plus et, la plupart des fois, que des pépites qui n’ont besoin que d’un micro pour mettre le feu.
Nous venons de sortir un projet en commun et chaque artiste à un projet en solo dont nous essayons de travailler ensemble.
Comme une révélation, Mlindwa, votre tout premier album, laisse penser que Black record peut ouvrir de nouveaux horizons à la musique comorienne…
Effectivement, c’était cela notre objectif. Proposer de nouveaux horizons. Si vous avez écouté le projet Mlindwa, vous avez, certainement, remarqué que nous n’avons pas fait la tendance avec des trap, bindo na bindo (Rires). Dans ce projet de dix-sept titres, il n’y a que deux chansons qui ont suivi cette tendance.Pour les autres, nous avons misé sur les textes, de la musique qui peut être écoutée aisément en famille, dans les maisons ou en voiture. Nous avons pris soin d’intéresser un public élargi. Heureusement, cela a bien pris, le public l’a bien accueilli.Cela donne envie de continuer dans ce sens et de donner de la visibilité à nos artistes. Notre objectif n’est pas de nous faire de l’argent mais de faire de l’art et de prendre du plaisir, sinon nous serions déjà partis ailleurs.
Et ça se passe bien?
Tout à fait! Nous avons pu instaurer une cohésion entre les artistes et surtout du respect. Désormais, je leur apprends un peu de tout, la prise de voix, le mixage, etc. parfois, ils arrivent à se débrouiller sans moi. Je leur donne confiance et chacun vole de ses propres ailes. Le soir quand je reviens du boulot, chacun me fait écouter sa production et s’il n’est pas bon, on en rigole et on le met à la poubelle (Rires).Maintenant, notre Label a des beat maker, des producteurs de clip, des ingénieurs de son et plein d’artistes. Je suis persuadé que, désormais, l’équipe à tout pour devenir meilleure encore.
Votre label a-t-il fait le choix de donner la chance à tous et à toutes ou bien à certains jeunes?
J’ai fait la promesse de donner la chance à tout le monde. Depuis mes 14 ans, je «baigne» dans la musique et j’ai travaillé avec diverses institutions. Alors, aujourd’hui, à 40 ans et avec l’expérience que j’ai, je me dois de passer le flambeau sans distinction d’aucune sorte. C’est le moment de donner la chance à tout le monde comme on l’a fait pour moi quand j’étais à l’étranger.C’est pourquoi à Black record tous les artistes sont les bienvenus. Désormais, nous allons travailler sur la promotion de nos artistes avec des contenus bien travaillés sur leur compte que ce soit sur Youtube ou tik tok.
Comment jugez-vous la musique de la nouvelle génération?
La musique a beaucoup changé, évolué et pris certaines tournures. Malheureusement, une bonne partie du public n’aime pas les messages et la musique engagée.Trop de jeunes se retrouvent facilement dans ce qui est futile et même négative alors que la musique peut offrir autre chose et aider à grandir. C’est ce que nous voulons faire chez Black record, de la musique consciente comme je l’aime bien. Evidemment, je ne bannis systématiquement pas les artistes qui veulent aborder ces sujets-là, mais on doit pouvoir les canaliser.
Un dernier mot ?
Il nous faut soutenir les jeunes. A l’ouverture de notre label, nous avoins essuyé beaucoup de critiques comme quoi à travers la musique, nous conduisons les jeunes à la débauche.A l’heure actuelle, beaucoup constatent que c’est loin d’être vrai. Ici, ces jeunes n’ont que le football, en dehors ils n’ont pas de loisirs et, comme la nature à horreur du vide, ils font n’importe quoi. Aujourd’hui, avec notre label, les parents savent où les trouver. En ce qui me concerne, je suis fier, aujourd’hui, d’avoir créé une cohésion sociale, offert une famille à ces jeunes.