La tranche d’âge touchée par le phénomène du revenge porn (littéralement, «pornographie de revanche») est très large. Mais le plus souvent, il s’agit de jeunes femmes âgées entre 19 et 25 ans. L’on observe rarement des cas impliquant des femmes plus âgées, et très peu d’hommes sont concernés. Une victime anonyme a accepté de nous partager son amère expérience, qui remonte à près d’un an. Elle exprime les sentiments de trahison et de vulnérabilité qu’elle a ressentis lorsque l’homme en qui elle avait confiance a diffusé ses contenus intimes à travers le monde.
«Aujourd’hui, je ressens encore un profond mal-être à chaque seconde. Je déploie tous mes efforts pour me reconstruire et passer à autre chose. Je ne parviens plus à faire confiance à un homme, ce qui est extrêmement difficile. Cette expérience me répugne et me dégoûte de la vie. J’avais besoin de soutien, mais malheureusement, très peu de personnes m’ont tendu la main. D’autres faisaient semblant pour obtenir ma version des faits afin de la propager. Cela ne me surprend pas compte tenu de la mentalité comorienne», confie-t-elle avec émoi.
Le traumatisme psychologique des victimes reste inévitable. Interviewé ce lundi 4 septembre dans son cabinet, le psychologue Ben Ali Khaer décrit ainsi le traumatisme vécu par les victimes d’une revanche pornographique. «Les victimes du revenge porn sont souvent convaincues qu’elles ne risquent rien au moment de partager des contenus intimes avec leur partenaire. Une confiance s’installe, principalement dans les relations à distance. Cependant, une fois que les vidéos sont publiées, c’est une descente aux enfers pour elles. La diffusion non consentie de ces contenus engendre une perte d’intimité et une remise en question de l’image de soi se manifeste. Les victimes se sentent nues, sont confrontées à la peur du jugement des autres et peuvent développer des troubles tels que la paranoïa et le stress», explique le spécialiste.
Silence, parole
Ben Ali Khaer souligne que de nombreuses femmes ne consultent pas après avoir été victimes de revenge porn, malgré l’ampleur du phénomène. Cela dépend souvent des tendances du moment, mais «il est crucial pour les victimes de briser le silence», ajoute-t-il. Il encourage toutes les victimes à en parler, même si cela n’est pas évident. Garder cela pour soi peut conduire à des pensées sombres et représenter un danger pour la santé mentale. Il est recommandé de se confier à un proche, à un ami de confiance ou à un spécialiste pour trouver un soutien et entamer un processus de guérison.
Cadre juridique et responsabilités
Il y a par ailleurs les implications judiciaires de la pornographie de revanche. Selon le juriste Fahmi Said Ibrahim, la responsabilité pénale de la victime est peu probable tant que la vidéo reste dans le domaine privé. Transmettre la vidéo à une tierce personne ne constitue pas un délit au sens de la loi, mais plutôt une question morale. «Dès lors que la femme en question s’est filmée et l’a gardée dans la sphère privée, elle n’a commis aucun délit susceptible d’engager sa responsabilité pénale. Même en la transférant à une personne, ce n’est pas une infraction au sens de la loi. Les critiques seront d’ordre moral uniquement et certains religieux, qui, pour beaucoup, ne sont pas exempts de critiques, s’en donneront à cœur joie», explique l’avocat.
En revanche, rendre publique la vidéo peut entraîner des poursuites pénales, notamment pour outrage public à la pudeur ou publication de vidéos pornographiques. «C’est la publicité qui est l’un des éléments constitutifs du délit pouvant entraîner une qualification pénale. Il existe plusieurs délits, notamment l’outrage public à la pudeur ou encore la publication de vidéos pornographiques», poursuit le juriste. «En revanche, l’auteur de la diffusion pourrait être tenu responsable, bien que la qualification des messages WhatsApp ou Messenger comme étant publics reste incertaine», précise-t-il.