Ancien journaliste à Radio Ngazidja et Al-watwan, Ahmed Ibrahim fait aujourd’hui partie de ceux qui ont embrassé les médias en ligne. Pour lui, les réseaux sociaux ne sont que « des supports parmi d’autres, des médias émergents qui reprennent, peu ou prou, les pratiques économiques des médias classiques». Il est difficile de déterminer avec précision ce que notre interlocuteur qualifie ici de «médias classiques».
Néanmoins, il précise : «Nous couvrons des conférences de presse, des cérémonies officielles, et recevons des frais de déplacement comme les autres journalistes. Parfois, nous négocions des diffusions en direct ou des rediffusions», confie-t-il. Et suivant ce modèle de financement, selon ses estimations, «un journaliste actif peut percevoir jusqu’à 10 000 francs comoriens par jour». Outre les revenus issus des reportages ou des prestations ponctuelles, ces médias disent miser sur leur «crédibilité» et la «réputation» de leurs équipes. «Les créateurs de contenus en ligne recherchent des professionnels capables de préserver l’image du média. Certains établissent aussi des partenariats avec des autorités ou des entreprises pour des publicités», explique-t-il. «Crédibilité» et «réputation», des notions dont le sens demeure toujours difficile à cerner.
Moustafi Mohamed Sambaouma, connu sous le nom de Mouanlim Gache, des plateformes Facebook.FM et Ertmc-Mbeni, abonde dans le même sens. «Nous fonctionnons comme n’importe quel média. Nous tirons nos revenus des publicités, de la couverture d’événements comme les mariages ou les Maoulids, et de certaines émissions payantes», affirme-t-il.
Il appelle toutefois à faire une distinction claire entre les médias en ligne animés par des journalistes et les simples pages communautaires ou celles d’influenceurs. De son côté, Mohamed Abdou Hassane, fondateur d’Ortega Live et ancien de l’Ortc, finance en grande partie son média. Il admet que les rentrées financières sont irrégulières, mais que les périodes festives constituent des opportunités majeures. «Nous diffusons des mariages et autres événements en direct, notamment vers la diaspora, ce qui génère des revenus», explique-t-il. Ortega Live a également établi des partenariats techniques et financiers avec des institutions comme Yas Comores ou Alamana Assurance, en contrepartie de la diffusion de leurs communiqués et messages promotionnels.
L’éthique et la déontologie
Mohamed Abdou Hassane met toutefois en garde les jeunes qui souhaitent se lancer dans le secteur. «Il ne faut pas ignorer les effets pervers des médias sociaux. Il est essentiel de rester prudent, de respecter l’éthique et les règles de la profession pour produire un travail sérieux et utile», prévient-il.À ce jour, aucune étude officielle n’a encore été menée sur le modèle économique des médias en ligne aux Comores. Mais selon Kamal Ali Yahoudhoi, responsable du département des médias au sein du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), une cartographie de ces médias est en cours. «Ce travail nous permettra, entre autres, d’évaluer les différents modèles économiques en place», indique-t-il.Dans un paysage médiatique en mutation, les médias en ligne comoriens avancent à tâtons, entre volonté de professionnalisation et nécessité de survie. Une chose est sûre : leur rôle et leur modèle méritent désormais d’être mieux compris et encadré.