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Il yâa deux semaines, lâEtat français a pris la rĂ©solution de ne plus dĂ©livrer de visas dâentrĂ©e sur son sol aux passeports diplomatiques et de service comoriens âcomme pour punirâ (El-Amine Souef, ministre comorien des Affaires Ă©trangĂšres) les Comores qui refusent de recevoir sur leur sol les personnes dĂ©placĂ©es de force par la France, de Mayotte vers les autres parties de leur propre territoire, en violation du droit international qui considĂšre cette Ăźle comme faisant partie intĂ©grante des Comores et, donc, des dispositions du Statut de Rome sur les dĂ©placements des populations.
Droit et sérénité
Pour lâheure, cotĂ© comorien, lâon apprĂ©cie, la maniĂšre avec laquelle le dossier est traitĂ©.  En effet alors que, dans la gestion de cette nouvelle brouille, lâimprovisation semble sâĂȘtre invitĂ©e du cĂŽtĂ© de lâEtat français, le rappel du droit, la fermetĂ© et la sĂ©rĂ©nitĂ© apparaissent comme les maĂźtres mots de la riposte conduite, cĂŽtĂ© comorien, par le ministre des Affaires Ă©trangĂšres.
Toujours de ce cĂŽtĂ© du âfrontâ, lâon assiste Ă une certaine unanimitĂ© âautour de la causeâ entre les politiques au premier rang desquels les parlementaires et les leaders de lâopposition, comme du pouvoir. Il faut espĂ©rer que tout cela suffise Ă Ă©branler les certitudes dans lesquelles sâest installĂ©, depuis quarante trois ans, lâEtat français dans ses relations tumultueuses avec les Comores. Pour le moment, rien cependant, ne le laisse prĂ©sager. Un tournant? Les tous derniers Ă©vĂšnements semblent, bien au contraire, indiquer que lâEtat français nâest disposĂ© Ă aucune concession.
La derniĂšre sortie du ministre français des Affaires Ă©trangĂšres, Jean-Yves Le Drian, dans Ouest France oĂč il indiquait quâil Ă©tait âhors de question de transiger sur la souverainetĂ© de la Franceâ*, ainsi que la nature de certaines des mesures mises en place, dans la foulĂ©e, Ă Mayotte, par le nouveau dĂ©lĂ©guĂ© du gouvernement, Dominique Sorain, pour obtenir la fin des troubles sur lâĂźle sont, Ă cet Ă©gard, parlantes.
 En effet, câest la toute premiĂšre fois quâune autoritĂ© gouvernementale française ose, publiquement, qualifier de âfrançaisâ ce territoire comorien conformĂ©ment au droit. A moins de dĂ©noter une connaissance insuffisante du dossier de la âQuestion de lâĂźle comorienne de Mayotteâ (Onu) par ce haut responsable, cette dĂ©claration marque un tournant, non seulement dans lâactuelle Ă©niĂšme montĂ©e dâadrĂ©naline entre les deux parties, mais aussi dans la perception globale du contentieux qui oppose, depuis quarante trois ans, les deux pays : il semble que, par rapport Ă cette question, lâEtat français ait pris le parti dâignorer le droit et les rĂ©solutions de lâOnu. Y compris celles, de 1975 et de 1976 qui ârĂ©affirment la souverainetĂ© des Comores sur ce territoire et condamnent toutes consultations qui y seraient organisĂ©es par la Franceâ et contre lesquelles, pourtant, il ne sâest pas opposĂ©, mĂȘme au niveau du Conseil de sĂ©curitĂ©.
A cet Ă©gard, lâengagement du ministre français, au Palais Bourbon, de âpoursuivre sans relĂąche, avec dĂ©termination, le dialogueâ entre les deux parties ne constituant aucunement une nouveautĂ©, ne change rien Ă lâaffaire : lâHexagone a sa âligneâ et sa âbaseâ (JY Le Drian dans Ouest France) au-delĂ desquelles elle nâira pas, et oĂč elle ne permettra pas aux Iles de la Lune de sây aventurer.
Dans ces circonstances, dĂ©sormais, la question capitale dans les heures et les semaines Ă venir nâest pas tant de savoir les quels des nerfs â ceux des Comoriens ou des Français â vont craquer les premiers dans la crise en cours, mais quel sera le contenu des nĂ©gociations que les deux parties appellent de leurs vĆux, jeudi prochain Ă Paris, et leur âlimitesâ dans le contexte global du conflit territorial qui oppose les deux Nations. Cela dâautant plus que, dâune part, la visite du secrĂ©taire dâEtat français auprĂšs du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, Jean Baptiste Lemoyne, mercredi dernier Ă Moroni, nâa abouti Ă rien de concluant et que, de lâautre, il est apparu que la position de fermetĂ© du ministre comorien rencontre lâentiĂšre adhĂ©sion du chef de lâEtat comorien, Azali Assoumani, qui lâaurait rĂ©affirmĂ© Ă lâĂ©missaire français au cours dâune entrevue.
âPas un pas en arriĂšreâ
Vu des Comores, le (nouvel?) positionnement français avant les nĂ©gociations peut raviver des doutes par rapport Ă lâefficacitĂ© de la stratĂ©gie des concessions quâelles ont toujours adoptĂ©e. Pour âespĂ©rer voir surgir des solutions consensuellesâ (Souef El-Amine**), les Comoriens avaient, en effet, opter de caresser leur occupant dans le sens du poil en ne portant pas systĂ©matiquement le litige au niveau de lâOnu, en acceptant la participation des jeunes de lâĂźle occupĂ©e au grands rendez-vous culturels et sportifs de la sous-rĂ©gion et celle de ses reprĂ©sentants dans les discussions entre les deux pays, etc.
Hormis, la mise en place du Haut comitĂ© paritaire (Hcp) chargĂ© âexclusivement de la question de Mayotteâ, cette stratĂ©gie nâa pas apportĂ© les fruits escomptĂ©s devait regretter sur Mayotte 1Ăšre, le ministre comorien. Câest par rapport Ă ce contexte que lâobjectif affichĂ© par Souef Mohamed El-Amine, et relayĂ© par la presse comorienne, dâarracher nĂ©cessairement la âlibre circulation des personne et des biensâ entre Mayotte et le reste du territoire comorien et la nĂ©cessitĂ© âdâĂ©voquer lâaspect juridique de la question mahoraiseâ (Al-watwan du 12 avril) dans les nĂ©gociations annoncĂ©es, sont apparus, au sein de lâopinion*** Ă la fois comme une bonne entrĂ©e en matiĂšre et un minimum. Les autoritĂ©s comoriennes ne peuvent plus dĂ©sormais, en effet, se permettre dâen revenir bredouille sans mettre en jeu, durablement, leur crĂ©dibilitĂ©.
Dans lâimmĂ©diat, ce quâil faut aux Comores câest â tout en appelant au dialogue â de faire prĂ©valoir leur principal atout qui est le droit, et de mettre sur la table leurs propres propositions de sortie de crise qui tiennent compte de la complexitĂ© du problĂšme et de la multiplicitĂ© des parties prenantes tout en se gardant de sacrifier le moindre de leurs intĂ©rĂȘts. DĂ©sormais âPas un pas en arriĂšreâ ne doit ĂȘtre fait, pour reprendre le cĂ©lĂšbre slogan soviĂ©tique de la Seconde guerre.
Moins vulnérables et plus fortes
A moyen et plus long terme, câest, pour nous, de faire en sorte de ne plus jamais nous retrouver, comme câest le cas aujourdâhui, coincĂ©s entre le nĂ©ant et un gĂ©ant, lâEtat français, qui semble persuadĂ© que sa grandeur et sa place dans ce vaste OcĂ©an indien passait, nĂ©cessairement, sur notre corps. Pour cela, il nous faut, prĂ©cisĂ©ment, prendre la rĂ©elle mesure du monde tel quâil est devenu â multiple et riche â et de nous y inscrire rĂ©solument. Il est plus que temps pour nous de partir, librement, Ă la conquĂȘte de ces ânouveaux mondesâ qui, depuis les quatre coins de la planĂšte, nâont jamais offert autant de perspectives dâĂ©panouissement et leur corolaire : une plus grande indĂ©pendance dans la perception du monde et donc dans lâaction.
Il sâagit, au total, de nous doper Ă lâaudace et au monde pour se rendre, Ă lâavenir et une bonne fois pour toute, moins vulnĂ©rables et plus forts. Et, donc, dâĂȘtre mieux armĂ©s pour nous faire entendre et espĂ©rer pouvoir nous mettre en position de pouvoir mieux faire face aux consĂ©quences dâĂ©ventuelles crises Ă venir. DâĂȘtre capables de faire bouger, un jour prochain, les âlignesâ et les âbasesâ en notre faveur.
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*Dans le mĂȘme entretien avec le quotidien rĂ©gional français, le ministre a pris le soin de prĂ©ciser : âEt dans les intĂ©rĂȘts de la France ceux de Mayotteâ et que câĂ©tait sur cette âLigneâ et cette âbaseâ quâallait avoir ses discussions avec son homologue comorien. **Lors dâune rĂ©union dâinformation et dâĂ©changes au ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, le vendredi 30 mars ***ConfĂ©rence du âComitĂ© des sagesâ, le samedi 31 Ă Moroni.