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Mayotte. Comores vs France : Comment faire bouger les lignes ?

Mayotte. Comores vs France : Comment faire bouger les lignes ?

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A quatre jours de nĂ©gociations entre les ministres comorien et français des Affaires Ă©trangĂšres sur la rĂ©cente dĂ©gradation des relations entre les deux pays au sujet de Mayotte, et alors que les discussions, mercredi dernier Ă  Moroni, entre Souef El-Amine et le secrĂ©taire d’Etat français auprĂšs du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, J-B Lemoyne, n’ont rien donnĂ©, la question essentielle n’est plus de savoir quand et dans quelles conditions la crise actuelle se dĂ©nouera. Au-delĂ , et suite aux dĂ©clarations des uns et des autres – en dĂ©pit des appels Ă  l’apaisement – il s’agira de voir les Ă©volutions qui seront issues de ces entretiens par rapport au contentieux territorial qui oppose, depuis quarante trois ans, les deux Nations au sujet de la “question de l’üle comorienne de Mayotte” (Onu).

 

Il y’a deux semaines, l’Etat français a pris la rĂ©solution de ne plus dĂ©livrer de visas d’entrĂ©e sur son sol aux passeports diplomatiques et de service comoriens “comme pour punir” (El-Amine Souef, ministre comorien des Affaires Ă©trangĂšres) les Comores qui refusent de recevoir sur leur sol les personnes dĂ©placĂ©es de force par la France, de Mayotte vers les autres parties de leur propre territoire, en violation du droit international qui considĂšre cette Ăźle comme faisant partie intĂ©grante des Comores et, donc, des dispositions du Statut de Rome sur les dĂ©placements des populations.

Droit et sérénité

Pour l’heure, cotĂ© comorien, l’on apprĂ©cie, la maniĂšre avec laquelle le dossier est traitĂ©.  En effet alors que, dans la gestion de cette nouvelle brouille, l’improvisation semble s’ĂȘtre invitĂ©e du cĂŽtĂ© de l’Etat français, le rappel du droit, la fermetĂ© et la sĂ©rĂ©nitĂ© apparaissent comme les maĂźtres mots de la riposte conduite, cĂŽtĂ© comorien, par le ministre des Affaires Ă©trangĂšres.

Toujours de ce cĂŽtĂ© du “front”, l’on assiste Ă  une certaine unanimitĂ© “autour de la cause” entre les politiques au premier rang desquels les parlementaires et les leaders de l’opposition, comme du pouvoir. Il faut espĂ©rer que tout cela suffise Ă  Ă©branler les certitudes dans lesquelles s’est installĂ©, depuis quarante trois ans, l’Etat français dans ses relations tumultueuses avec les Comores. Pour le moment, rien cependant, ne le laisse prĂ©sager. Un tournant? Les tous derniers Ă©vĂšnements semblent, bien au contraire, indiquer que l’Etat français n’est disposĂ© Ă  aucune concession.

La derniĂšre sortie du ministre français des Affaires Ă©trangĂšres, Jean-Yves Le Drian, dans Ouest France oĂč il indiquait qu’il Ă©tait “hors de question de transiger sur la souverainetĂ© de la France”*, ainsi que la nature de certaines des mesures mises en place, dans la foulĂ©e, Ă  Mayotte, par le nouveau dĂ©lĂ©guĂ© du gouvernement, Dominique Sorain, pour obtenir la fin des troubles sur l’üle sont, Ă  cet Ă©gard, parlantes.


 En effet, c’est la toute premiĂšre fois qu’une autoritĂ© gouvernementale française ose, publiquement, qualifier de “français” ce territoire comorien conformĂ©ment au droit. A moins de dĂ©noter une connaissance insuffisante du dossier de la “Question de l’üle comorienne de Mayotte” (Onu) par ce haut responsable, cette dĂ©claration marque un tournant, non seulement dans l’actuelle Ă©niĂšme montĂ©e d’adrĂ©naline entre les deux parties, mais aussi dans la perception globale du contentieux qui oppose, depuis quarante trois ans, les deux pays : il semble que, par rapport Ă  cette question, l’Etat français ait pris le parti d’ignorer le droit et les rĂ©solutions de l’Onu. Y compris celles, de 1975 et de 1976 qui “rĂ©affirment la souverainetĂ© des Comores sur ce territoire et condamnent toutes consultations qui y seraient organisĂ©es par la France” et contre lesquelles, pourtant, il ne s’est pas opposĂ©, mĂȘme au niveau du Conseil de sĂ©curitĂ©.

A cet Ă©gard, l’engagement du ministre français, au Palais Bourbon, de “poursuivre sans relĂąche, avec dĂ©termination, le dialogue” entre les deux parties ne constituant aucunement une nouveautĂ©, ne change rien Ă  l’affaire : l’Hexagone a sa “ligne” et sa “base” (JY Le Drian dans Ouest France) au-delĂ  desquelles elle n’ira pas, et oĂč elle ne permettra pas aux Iles de la Lune de s’y aventurer.

Dans ces circonstances, dĂ©sormais, la question capitale dans les heures et les semaines Ă  venir n’est pas tant de savoir les quels des nerfs – ceux des Comoriens ou des Français – vont craquer les premiers dans la crise en cours, mais quel sera le contenu des nĂ©gociations que les deux parties appellent de leurs vƓux, jeudi prochain Ă  Paris, et leur “limites” dans le contexte global du conflit territorial qui oppose les deux Nations. Cela d’autant plus que, d’une part, la visite du secrĂ©taire d’Etat français auprĂšs du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, Jean Baptiste Lemoyne, mercredi dernier Ă  Moroni, n’a abouti Ă  rien de concluant et que, de l’autre, il est apparu que la position de fermetĂ© du ministre comorien rencontre l’entiĂšre adhĂ©sion du chef de l’Etat comorien, Azali Assoumani, qui l’aurait rĂ©affirmĂ© Ă  l’émissaire français au cours d’une entrevue.

“Pas un pas en arriùre”

Vu des Comores, le (nouvel?) positionnement français avant les nĂ©gociations peut raviver des doutes par rapport Ă  l’efficacitĂ© de la stratĂ©gie des concessions qu’elles ont toujours adoptĂ©e. Pour “espĂ©rer voir surgir des solutions consensuelles” (Souef El-Amine**), les Comoriens avaient, en effet, opter de caresser leur occupant dans le sens du poil en ne portant pas systĂ©matiquement le litige au niveau de l’Onu, en acceptant la participation des jeunes de l’üle occupĂ©e au grands rendez-vous culturels et sportifs de la sous-rĂ©gion et celle de ses reprĂ©sentants dans les discussions entre les deux pays, etc.

Hormis, la mise en place du Haut comitĂ© paritaire (Hcp) chargĂ© “exclusivement de la question de Mayotte”, cette stratĂ©gie n’a pas apportĂ© les fruits escomptĂ©s devait regretter sur Mayotte 1Ăšre, le ministre comorien. C’est par rapport Ă  ce contexte que l’objectif affichĂ© par Souef Mohamed El-Amine, et relayĂ© par la presse comorienne, d’arracher nĂ©cessairement la “libre circulation des personne et des biens” entre Mayotte et le reste du territoire comorien et la nĂ©cessitĂ© “d’évoquer l’aspect juridique de la question mahoraise” (Al-watwan du 12 avril) dans les nĂ©gociations annoncĂ©es, sont apparus, au sein de l’opinion*** Ă  la fois comme une bonne entrĂ©e en matiĂšre et un minimum. Les autoritĂ©s comoriennes ne peuvent plus dĂ©sormais, en effet, se permettre d’en revenir bredouille sans mettre en jeu, durablement, leur crĂ©dibilitĂ©.

Dans l’immĂ©diat, ce qu’il faut aux Comores c’est – tout en appelant au dialogue – de faire prĂ©valoir leur principal atout qui est le droit, et de mettre sur la table leurs propres propositions de sortie de crise qui tiennent compte de la complexitĂ© du problĂšme et de la multiplicitĂ© des parties prenantes tout en se gardant de sacrifier le moindre de leurs intĂ©rĂȘts. DĂ©sormais “Pas un pas en arriĂšre” ne doit ĂȘtre fait, pour reprendre le cĂ©lĂšbre slogan soviĂ©tique de la Seconde guerre.

Moins vulnérables et plus fortes

A moyen et plus long terme, c’est, pour nous, de faire en sorte de ne plus jamais nous retrouver, comme c’est le cas aujourd’hui, coincĂ©s entre le nĂ©ant et un gĂ©ant, l’Etat français, qui semble persuadĂ© que sa grandeur et sa place dans ce vaste OcĂ©an indien passait, nĂ©cessairement, sur notre corps. Pour cela, il nous faut, prĂ©cisĂ©ment, prendre la rĂ©elle mesure du monde tel qu’il est devenu – multiple et riche – et de nous y inscrire rĂ©solument. Il est plus que temps pour nous de partir, librement, Ă  la conquĂȘte de ces “nouveaux mondes” qui, depuis les quatre coins de la planĂšte, n’ont jamais offert autant de perspectives d’épanouissement et leur corolaire : une plus grande indĂ©pendance dans la perception du monde et donc dans l’action.

Il s’agit, au total, de nous doper Ă  l’audace et au monde pour se rendre, Ă  l’avenir et une bonne fois pour toute, moins vulnĂ©rables et plus forts. Et, donc, d’ĂȘtre mieux armĂ©s pour nous faire entendre et espĂ©rer pouvoir nous mettre en position de pouvoir mieux faire face aux consĂ©quences d’éventuelles crises Ă  venir. D’ĂȘtre capables de faire bouger, un jour prochain, les “lignes” et les “bases” en notre faveur.


 

*Dans le mĂȘme entretien avec le quotidien rĂ©gional français, le ministre a pris le soin de prĂ©ciser : “Et dans les intĂ©rĂȘts de la France ceux de Mayotte” et que c’était sur cette “Ligne” et cette “base” qu’allait avoir ses discussions avec son homologue comorien. **Lors d’une rĂ©union d’information et d’échanges au ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres, le vendredi 30 mars ***ConfĂ©rence du “ComitĂ© des sages”, le samedi 31 Ă  Moroni.

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