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âEntre la France et les Comores, les relations se sont tendues. Sur fonds de conflit territorial, le prĂ©sident Azali refuse de laisser rentrer sur son territoire les citoyens comoriens refoulĂ©s de Mayotte. Du coup, Paris a dĂ©cidĂ© de suspendre la dĂ©livrance des visas aux Comoriensâ, expose-t-il sur la page Facebook de lâĂ©mission. Une vingtaine de minutes durant, des intervenants de tous bords se sont succĂ©dĂ©s Ă lâantenne pour faire part de leurs impressions. Le premier appel est venu dâAbdoulhalime, un Comorien qui habite en France.Ce dernier soutient lâappartenance de Mayotte Ă lâensemble comorien. Il citera en appui le droit international qui âreconnait Mayotte comme faisant partie de lâUnion des Comoresâ.
Abdoulhalime insistera par ailleurs sur le fait quââon minimise cet aspect-lĂ dans les medias français. Ă la limite on passe dâun trait comme si câĂ©tait un dĂ©tail, alors que ce nâest pas un dĂ©tailâ. Sâagissant du rĂ©fĂ©rendum de 1974 et de la dĂ©cision prise par lâancienne puissance coloniale de considĂ©rer les rĂ©sultats Ăźle par Ăźle, au lieu de les prendre dans leur ensemble, il simplifiera en disant que âcâest comme si,par exemple, on disait que le prĂ©sident actuel ne serait pas le prĂ©sident de Marseille parce quâĂ Marseille il nâaurait pas fait la majoritĂ©
Un seul peuple
Au sujet du âdroit des peuples Ă disposer dâeux-mĂȘmesâ, notre intervenant rĂ©torque âquâil nây a jamais eu de peuple anjouanais, ni de peuple grand comorien, ni de peuple mahorais, ni de peuple mohĂ©lien. Il a toujours existĂ© un peuple comorienâ. Et de prĂ©ciser que lâhistoire des Comores ne commence pas avec le rĂ©fĂ©rendum de 1974, mais bien avant lâarrivĂ©e des Français. Abdoulhalime sâallie ainsi aux propos du ministre des Affaires Ă©trangĂšres comorien, Souef Mohamed El-Amine, qui avait dĂ©clarĂ© que âles Comoriens qui sont Ă Mayotte peuvent rester lĂ -bas parce quâils sont chez euxâ. Accepter que ces dits âclandestinsâ soient expulsĂ©s reviendrait, dit-il, Ă âreconnaitre que Mayotte câest la France, ce qui nâest pas le casâ. Pour lui, la suspension de la dĂ©livrance de visas ne sera pas productive, parce quââelle ne fait que renforcer la conviction des Comoriens de lâappartenance de Mayotte Ă lâUnion des Comoresâ.
Samiya, reprĂ©sentante du Collectif de la 3Ăšme voie, qui appelait depuis Ngazidja, sâattardera sur lâoccupation âillĂ©galeâ de lâĂźle de Mayotte par la France.âMayotte est comorienne de par lâhistoire, la gĂ©ographie, la culture, la tradition et mĂȘme les liens familiaux qui unissent les populations des quatre Ăźles. Des faits quâon ne peut pas nierâ, fait-elle valoir. RelancĂ©e par lâanimateur sur la volontĂ© des Mahorais de rester Français, la militante du Collectif de la 3Ăšmevoie allĂšgue que âles Mahorais peuvent rester français, tout comme certains Comoriens des autres Ăźles qui ont la nationalitĂ© française, mais le territoire de Mayotte appartient aux Comoresâ. Elle enverra au passage une pique Ă la France, laquelle prendrait Ă contresens lâhistoire de lâhumanitĂ©, en entretenant une colonisation achevĂ©e depuis 60 ans.
âMieux vivre ensembleâ
Sur ce point, Aziz, un Comorien rĂ©sidant Ă Paris, âne peut pas comprendre quâun membre permanant du conseil de sĂ©curitĂ©, quâest la France, puisse se permettre de violer un texte des Nations uniesâ, en lâoccurrence la charte sur la dĂ©colonisation, et de passer outre la vingtaine de rĂ©solutions prises par lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. âComment comprendre que la France puisse aujourdâhui contester lâannexion de la CrimĂ©e, alors quâelle se conduit de la mĂȘme façon avec les Comoresâ, fustige-t-il.Aziz rappellera aux autoritĂ©s comoriennes quâelles ne peuvent pas se permettre, vis-Ă -vis de leur opinion publique, dâaccepter le retour de soi-disant âclandestinsâ sur leur sol.
âCâest dâune bassesse indigne dâune grande puissance. Le ministre des Affaires Ă©trangĂšres a raison de ne pas cĂ©der Ă ce chantage. Il faut quâil aille plus loin dans sa dĂ©marche, quâil porte lâaffaire devant la Cour pĂ©nale internationale (Cpi) pour les dix milles morts et pour toutes les exactions que subissent les Comoriens Ă Mayotte. Et demander rĂ©parationâ, enjoint Chaima, une franco-comorienne qui habite Ă Saint-Denis de La RĂ©union, rĂ©agissant par rapport Ă la dĂ©cision prise par le Quai dâOrsay, le 4 mai dernier, de suspendre la dĂ©livrance de visas Ă tous les ressortissants comoriens.
Moins emportĂ©, Abderemane, qui appelait depuis la capitale, Moroni, regrettera la tournure des Ă©vĂ©nements, compte tenu des relations historiques trĂšs lointaines entre les deux pays. âLa dĂ©cision de suspendre les visas montre que la France, grande puissance, a Ă©puisĂ© ses recours face Ă ce contentieux. Il faut un dialogue entre les deux pays,qui impliquera la population mahoraiseâ, juge-t-il. âLa responsabilitĂ© est partagĂ©eâ, avancera de son cĂŽtĂ© Salim, un natif de lâĂźle de Ndzuwani. La solution, observe-t-il Ă©galement, ne peut rĂ©sulter que du dialogue : âil faudra trouver la bonne formule pour un mieux vivre ensembleâ.