Â
WâE. : Le gouvernement vient de crĂ©er la SociĂ©tĂ© nationale dâinvestissement qui aura, entre autres missions, Ă soutenir lâaction dâentreprises dĂ©jĂ existantes ou Ă en crĂ©er et de jouer le rĂŽle promoteur ou complĂ©mentaire lĂ oĂč les sociĂ©tĂ©s privĂ©es seraient dĂ©faillantes.
LâidĂ©e est louable. Il y a lĂ des bonnes intentions affichĂ©es dans la crĂ©ation de la Snic. Je pense, cependant, quâon aurait mieux gagnĂ© en efficacitĂ© si on avait plutĂŽt crĂ©Ă© une banque dâinvestissement qui permettrait au secteur privĂ©, aujourdâhui jugĂ© dĂ©faillant, dâavoir accĂšs plus facilement Ă des financements.
En effet, la raison de cette «dĂ©faillance» nâest autre que le sous-financement. On dit que nos banques sont en surliquiditĂ©, que les encours des crĂ©dits ne cessent de croĂźtre chaque annĂ©e, mais on ne voit pas rĂ©ellement lâinvestissement qui a Ă©tĂ© fait par rapport Ă cela du fait, tout simplement, que les banques nâaccordent des crĂ©dits que de fonctionnement mĂȘme sâil est vrai que les entreprises ont besoin dâargent pour fonctionner. Aucune banque nâaccorde des crĂ©dits dâinvestissement.
Dâailleurs si le pays sâengage dans la voie de lâĂ©mergence, il aura besoin dâinvestir dans le tissu productif. Les importations ne peuvent tirer lâĂ©conomie du pays vers le haut. Et quand on parle de «productif» on travaille dans le long terme. JâespĂšre donc que lâidĂ©e de crĂ©er une banque dâinvestissement nâest pas oubliĂ©e.
WâE. : Câest donc une erreur de crĂ©er uniquement une sociĂ©tĂ© dâinvestissement ?
Parce que le danger câest de croire que si lâĂtat se substitue au privĂ© on peut avoir de meilleurs rĂ©sultats. Ce serait une erreur tout simplement parce que la force de lâĂ©conomie du pays viendra du secteur privĂ© et quâil faut donc le soutenir.
LâĂtat doit continuer sa politique de dĂ©sengagement auprĂšs des entreprises publiques et, donc, permettre Ă des entreprises privĂ©es dâĂ©merger. Je fais le voeu que demain lâĂtat comorien pourrait sâenorgueillir de citer des entreprises privĂ©es comme Ă©tant des fiertĂ©s nationales.
Et à ça on y arrivera lorsque les conditions seront rĂ©unies, que lâĂtat apportera son soutien et quâon ait accĂšs aux financements car le noeud du problĂšme aujourdâhui câest lâaccĂšs aux financements.
WâE. : Un nouveau code des douanes est en vigueur depuis quelques mois. On dit que les opĂ©rateurs seraient frileux quant il sâagit dâappliquer de nouvelles rĂšgles...
Il ne sâagit pas de frilositĂ© liĂ©e au nouveau code mais plutĂŽt dâun recul par rapport aux nĂ©gociations que les gens avaient lâhabitude de mener avec les autoritĂ©s douaniĂšres. Par le passĂ© si un opĂ©rateur se retrouvait avec vingt containers et nâavait pas les moyens de les dĂ©douaner en un seul coup, il pouvait nĂ©gocier et obtenir certaines facilitĂ©s de payement.
DĂ©sormais, cette possibilitĂ© a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e pour des raisons louables, de «rigueur», etc. Du coup le chef dâentreprise qui ne peut se permettre de faire venir vingt containers avance en fonction de ses moyens.
Il y a eu une réunion entre la douane et les opérateurs pour aplanir les difficultés et voir comment la nouvelle direction pourrait accompagner les opérateurs sans que ceux-ci se sentent lésés par telle procédure ou telle autre.
On le rĂ©pĂšte assez, les taxes douaniĂšres nâont pas changĂ© et câest le mĂȘme tarif douanier qui est utilisĂ©. Ce qui a Ă©tĂ© remis en cause ce sont certaines facilitations qui sont discrĂ©tionnaires et au grĂ© de lâautoritĂ© douaniĂšre. Ils sont donc en droit de les accepter ou non. Il faut savoir, toutefois, que dans toutes les douanes du monde, il ya cette notion de crĂ©dit en douane.
WâE : Le secteur privĂ© nâarriverait pas Ă absorber les marchĂ©s financĂ©s par le bailleur de fonds extĂ©rieurs. Faute de moyens organisationnels et du coup beaucoup de marchĂ©s sont attribuĂ©s Ă des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres. Cela tient-il comme explication ?
Il arrive souvent que lâentreprise locale manque dâĂ©quipement nouvel ou suffisamment innovant. Mais celĂ est liĂ©e Ă lâabsence de commande publique dĂ©diĂ©e Ă ces entreprises. Une entreprise ne peut pas moderniser son fonctionnement si elle nâa pas les moyens de le faire.
Si la commande publique est destinĂ©e en prioritĂ© aux entreprises nationales, rien nâempĂȘche Ă ces entreprises de demander un financement auprĂšs des banques locales pour le renouvellement du matĂ©riel. Je ne vois pas pourquoi avec un marchĂ© de 2 milliards une entreprise ne peut avoir 500 millions auprĂšs dâune banque pour renouveler son matĂ©riel. Si on continue Ă raisonner de cette façon, aucune entreprise nationale ne sortira du lot.
Cela dit le secteur privĂ© partage lâidĂ©e de travailler avec des sociĂ©tĂ©s reconnues internationalement ce qui, dâailleurs, favoriserait un transfert des technologies et des compĂ©tences.
WâE. : Vous pensez quâil y a, Ă ce sujet, deux poids et deux mesures ?
Ce que je sais câest quâon ne comprend pas le fait, pourtant courant, que lorsquâune sociĂ©tĂ© Ă©trangĂšre obtient un marchĂ© public elle est payĂ©e toute suite sans aucun problĂšme et quand il sâagit dâune entreprise nationale, elle ait tant de mal Ă se faire payer.
Â
Les marchĂ©s sĂ»rs sont, trop souvent, accordĂ©s Ă des entreprises Ă©trangĂšres qui ramassent toute suite lâargent et les entreprises nationales hĂ©ritent, elles, de marchĂ© flottant. La dette intĂ©rieure pĂšse sur un certain nombre de nos entreprises et lâĂtat doit pouvoir trouver une solution Ă cela.
Je serais dâavis que les entreprises Ă©trangĂšres aient une obligation de travailler avec les entreprises locales. Dâailleurs, la plupart du temps ces entreprises sont exonĂ©rĂ©es dâimpĂŽts, tout lâargent part Ă lâextĂ©rieur et lâĂtat ne perçoit rien.
WâE. : Lâautre goulot dâĂ©tranglement serait la dette auprĂšs des banques. Selon la Bcc, dix mauvais dĂ©biteurs reprĂ©sentent Ă eux seuls un encours en souffrance de 11 milliards de francs, soit 50 pour cent de lâencours des vingt plus gros clients du systĂšme bancaire, les entreprises. Comment sortir de ce cercle infernal dâendettements des opĂ©rateurs ?
Cela prouve que ce que jâai dit auparavant. La majeure partie des entreprises sont surendettĂ©es. Vous avancez un encours de onze milliards que moi je qualifie de toxique et qui pollue le systĂšme dâoctroi de crĂ©dits. Il y a des banques qui nâont octroyĂ© aucun crĂ©dit ces six derniers mois.Elles ont suffisamment donnĂ© sans quâil y ait de retour.
Nous partageons les difficultĂ©s quelles rencontrent dans lâexercice de leurs activitĂ©s. NĂ©anmoins nous considĂ©rons que la responsabilitĂ© est partagĂ©e dans le sens oĂč mĂȘme en lâabsence de centrale de risques, Ă lâĂ©poque, on pouvait savoir ce qui se passe dans les autres banques sans trop de difficultĂ©s.
Maintenant, il y a eu, Ă un moment donnĂ©, une course aux crĂ©dits qui sâest retournĂ©e contre les banques et les emprunteurs. Selon moi, en tant que privĂ© et responsable dâune organisation patronale, lâidĂ©al aurait Ă©tĂ© de trouver une solution mĂ©diane qui consisterait Ă sauver les banques mais aussi les entreprises.
Aujourdâhui, faire disparaitre les dix opĂ©rateurs concernĂ©s par cet encours pourrait constituer un coup dur pour lâĂ©conomie du pays.