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Vanille I En l’absence d’un prix officiel, le kilo est vendu «à 2 500 francs» dans le noir

Vanille I En l’absence d’un prix officiel, le kilo est vendu «à 2 500 francs» dans le noir

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En cette période de crise sanitaire mondiale, tous les secteurs sont paralysés et celui de la vanille n’y échappe pas. Entre le manque d’un prix officiel du kilogramme, la Covid-19, la vente au noir pour 2.500 francs le kilo et un stock conséquent de la dernière campagne toujours invendu, le secteur n’a jamais été aussi mal-en-point. Al-watwan s’est entretenu avec certains acteurs du secteur qui livrent ici leurs avis sur le sujet. Et dans ce chaos, loin de jouer la carte de la solidarité, Office et exportateurs s’accusent mutuellement.

 

Secouée par une crise à laquelle vient s’ajouter la pandémie mondiale de la Covid-19, la vanille nationale fait face à une situation inédite. D’une part, le stock de l’année dernière n’est toujours pas écoulé et d’autre part, la crise mondiale du coronavirus n’arrange aucunement une situation déjà chaotique. Aujourd’hui, le prix officiel du kilogramme de vanille n’est toujours pas connu alors que dans le même temps certains acteurs du secteur vendent ou achètent dans le noir le kilo pour 2.500 francs. Une situation lourde de conséquences pour toute une filière. L’Office national de la vanille (Onav) à travers son directeur, Aboubakar Abdoulwahab, et l’Association comorienne des exportateurs des produits de rente (Acepr) par le biais de sa présidente, Sitti Djaouhariat Chihabiddine, apportent ici leurs éléments de réponses.


Actualité oblige, le Coronavirus s’invite dans la campagne 2020 de la vanille et tous les acteurs doivent composer avec la présence de cette pandémie mondiale. Une difficulté supplémentaire puisque la vanille étant un produit prisé et riche de controverses nécessite une présence humaine de tous les instants. Sur ce point, l’Onav affirme s’être associé avec le Comité scientifique pour appliquer les mesures barrières avec notamment l’utilisation de masques et le respect de la distanciation sociale. Et «des inspections permanentes sont effectuées par les agents dans le site de préparation et dans les magasins de stockage pour vérifier si ces mesures barrières sont appliquées à la lettre», martèle Aboubakar Abdoulwahab. De son côté, l’Acepr explique que les «difficultés commenceront quand nous serons en phase d’affinage où le contact avec le produit devra être quotidien, et à ce moment-là, nous prendrons les dispositions pour que les ouvriers qualifiés soient sains afin d’éviter le risque éventuel d’une contamination».

 

Quant à la distanciation, l’Acepr estime qu’il faudra soit dupliquer l’espace dans l’entrepôt soit diminuer le personnel et dans l’un comme dans l’autre, c’est une difficulté supplémentaire mais «nous avons quelques semaines pour y réfléchir et trouver les solutions idoines».Au niveau du prix officiel pour cette campagne, c’est le flou total. Aucun compris n’est pour l’instant trouvé malgré des réunions dont ont pris part l’ensemble des acteurs de la filière vanille.

Manque de compromis

Pour Sitti Djaouhariat Chihabiddine, l’absence d’un prix officiel est due justement à un manque de compromis puisque chacun défend légitiment ses intérêts. «L’Onav veut faire jouer à l’Etat le mauvais rôle de fixer un prix unilatéral, comme ce fut le cas l’année dernière. En dehors des conséquences financières fâcheuses qu’on est en droit d’attendre, ce fait constitue un réel recul dans la structuration de l’interprofession. L’Etat a de tout temps joué un rôle de modérateur», poursuit la présidente de l’Acepr.
L’Onav lui renvoie la balle et affirme que «certains exportateurs proposent un prix de 3.500 francs mais les producteurs, les coopératives, les membres du gouvernement et nous n’avons pas approuvé cette proposition lors d’une de nos réunions. Nous voulons un prix de 10.000 francs, soit la moitié du prix de l’année dernière.

 

Au final, la réunion s’est achevée sans que nous nous mettions d’accord sur un prix de la compagne 2020». A l’heure où chacun doit faire des sacrifices, «nous devons comprendre que ce n’est pas le moment de faire des profits. Chacun doit faire des concessions. L’Onav dispose d’une note sortant de l’Observatoire des prix sur l’évolution du prix de la vanille sur le marché international, en particulier à Madagascar. Le prix tourne autour de 364,67 à 475 dollars américains le kilo. C’est sur cette base que nous nous referons pour fixer le prix du kilogramme de vanille verte à 10.000 francs. Nous sommes conscients que ce prix ne sera pas apprécié par les producteurs, les coopératives ainsi que les préparateurs de la filière mais il s’agit de limiter les dégâts.»


Les exportateurs sont, à tort ou à raison, plus alarmistes. «Le cours de la vanille est en chute libre chez les donneurs de prix. Personne n’est en mesure de dire jusqu’où ira la baisse. Mais, nos indicateurs objectivement vérifiables, nous ont conduit à proposer un prix de base très largement inférieur à celui soutenu par l’Onav». Sitti Djaouhariat Chihabiddine va plus loin et explique qu’il ne «faut pas perdre de vue que la vanille qui s’achète en juin 2020 sera exportée au plus tôt au premier trimestre 2021. D’ici là, de quoi le monde sera fait ? Le niveau de risque est élevé surtout que nous sommes plombés avec les stocks de 2019. Préparateurs et exportateurs cumulent un invendu de la récolte 2019 de plus de 9 tonnes. Ce qui constitue une perte colossale. N’est-il pas temps d’avoir une analyse lucide du marché ? Est-il nécessaire de rappeler ici que les outils de compensation et de stabilisation des prix n’existent plus ?»

2.500 francs le kilo en attendant

 

Et en attendant un prix officiel, le kilo est actuellement vendu à 2.500 francs en catimini étant donné que le calendrier de la récolte n’est toujours pas établi. Faux, rétorque l’Acepr pour qui cette somme «n’est pas le prix, c’est l’avance que nous avons consentie aux producteurs qui ont récolté et qui nous ont placé devant le fait accompli. Nous sommes tous en attente du prix officiel pour nous aligner.» Et une fois n’est pas coutume, l’Onav partage cet avis «vu le manque de prix, l’Onav afin d’éviter que la vanille ne pourrisse ou ne perde du poids, nous avons ordonné aux producteurs de vendre leurs vanilles».

 

Pour autant, «le flottement actuel est préjudiciable à la filière, et elle est imputable à l’Onav qui devait éclairer l’opinion sur les enjeux actuels pour que les gens agissent avec maturité. Ce long silence a de graves conséquences chez les producteurs qui ont déjà récolté. Certains ont laissé pourrir leurs vanilles, d’autres l’ont exposé à un risque de contamination en la conservant dans leurs maisons. Pour notre part, nous envisageons avec angoisse la qualité finale.», déclare Sitti Djaouhariat Chihabiddine.

 


Une crise semble donc peser sur la filière. On rappellera qu’en 2003 et en 2004, le secteur a été secoué par une crise. Aujourd’hui, «l’équation est simple. L’offre mondiale est supérieure à la demande. Il suffit de regarder notre report de stock national pour s’en convaincre. Et si ensuite, nous sortons de notre nombrilisme comorien, nous nous rendrons vite compte que l’offre mondiale est excédentaire entre les reports de stocks du monde et l’explosion attendue de la nouvelle récolte, puisque depuis la flambée des prix de 2015 tous les pays producteurs ont revalorisé leurs vanilliers et toute cette récolte est attendue cette année», dit-on du côté des exportateurs.

 

Encore plus fataliste, l’Onav affirme que «la démotivation commence à gangréner les esprits des producteurs qui sont les forces maîtresses de la production de la vanille. Certains producteurs se préparent à arracher les cultures de vanille pour se converger vers l’agriculture de subsistance. L’Etat doit surmonter ce dossier épineux pour sauver la filière de vanille, qui est le pétrole des Comores».

7.636 kilos de vanille préparée

Pour ce qui est de trouver une solution quant au stock invendu, les deux parties semblent désormais compter sur la participation du gouvernement. Sitti Djaouhariat Chihabiddine explique que «les préparateurs abordent la nouvelle campagne en plein insolvabilité et c’est très dommage. Il n’y a pas d’autres solutions que de négocier avec l’Etat pour accompagner une vente au plus offrant et ensuite trouver un fonds pour payer le gap aux opérateurs sur la base de la structure de prix signée par deux ministres. Mais plus on attend, plus le gap sera important. Le temps travaille contre nous». Aboubakar Abdoulwahab partage cet avis et déclare que «l’Etat devra conjuguer ses efforts pour apporter son appui et son soutien financier afin d’éviter une chute de la filière comme dans les années précédentes».


L’intéressé poursuivra «ce stock d’invendu 7.636 kilos de vanille préparée a créé un climat de de méfiance entre les institutions financières et leurs clients (producteurs, coopératives, préparateurs et exportateurs). Ces derniers sont étouffés et traumatisés moralement du retard de paiement de leurs dettes octroyées auprès de ces institutions bancaires». Toujours selon lui, «l’Onav et l’Etat représenté par les ministère de la Production et l’Economie n’ont pas baissé les bras. Une note en conseil a été introduite pour recommander au ministère des Finances et du Budget de tout faire pour trouver les voies et les moyens afin de parvenir à une solution rapide». A noter que nous avons essayé d’interroger des membres du gouvernement sur le sujet mais nous n’avons malheureusement pas eu de réponses à nos questions.

Am

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