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Sitti Djaouharia Chihabiddine,Exportateur de vanille : «L’Onav ne tient pas compte de la réalitédu secteur et induit les acteurs en erreur»

Sitti Djaouharia Chihabiddine,Exportateur de vanille : «L’Onav ne tient pas compte de la réalitédu secteur et induit les acteurs en erreur»

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Mis à l’index par le directeur général de l’Office national de la vanille dans notre édition de mercredi dernier, les “exportateurs” ont réagi à ces accusations et “dénoncent” par la même occasion, le comportement d’un “régulateur qui n’est pas neutre” et d’un office qui a à sa tête un patron qui “ne tient pas compte de la réalité du secteur et qui induit les différents acteurs en erreur”. L’Association comorienne des exportateurs des produits de rente, à travers sa présidente Sitti Djaouharia Chihabiddine, s’indigne ainsi contre le manque de communication entre elle et l’Onav qui a manifestement “un parti pris puisqu’il est juge et partie”.

 

Al-watwan : Le directeur de l’Office national de la vanille, Aboubacar Abdoulwahab, accuse les exportateurs de “piétiner les faibles” et de faire leur loi notamment en se permettant d’être aussi des préparateurs alors qu’une loi de 1980 l’interdit. Qu’avez-vous à répondre à ces accusations?


Sitti Djaouharia Chihabiddine (S-dj C.) : Aucune loi n’empêche les opérateurs d’évoluer au sein de la filière vanille. Ce serait absurde. La loi comorienne encadre les professions et est très stricte sur le respect des procédures et des métiers, non seulement pour garantir et maintenir la qualité de la vanille des Comores à l’international mais, également, pour sécuriser les recettes fiscales.
En 2018 l’Onav a violé allégrement ces règles puisque 8% de la production nationale a été exportée par des acteurs inconnus par l’Agid* avec un quitus d’exportation délivré par l’Onav qui est un office destiné à encadrer et renforcer les filières de rente en général et la filière vanille en particulier.
La première chose qu’il faut noter, c’est le conflit d’intérêt manifeste qu’il y a à ce qu’un office de cette nature soit dirigé par un opérateur, puisque Aboubacar Abdoulwahab est préparateur de vanille. Il est donc juge et partie. L’office actuel est l’office des préparateurs et non un organe de régulation d’une filière. Par ailleurs il me semble que l’office ne prend pas suffisamment en compte les enjeux d’une filière agricole avec ses ramifications à l’international.

Al-watwan : Vous voulez dire que cette loi n’existe pas et qu’elle est inventée de toute pièce?


S-dj C. : Les exportateurs ont toujours préparé une partie de leurs vanilles et ce pour plusieurs raisons.  D’abord économique : on ne peut pas emprunter des centaines de millions à la banque et les donner à des préparateurs sans aucune garantie. Le fait qu’il existe des préparateurs très réguliers ne nous empêche pas d’avoir un taux de malversation élevé, et contre lequel nous sommes totalement démunis. Ensuite qualitative : Nous signons des contrats avec des clients internationaux sur la base de cahiers de charges techniques très pointus, nous sommes obligés de veiller strictement au respect de cela et de veiller également à la traçabilité des produits. Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer certaines complexités dans le traitement de ces problèmes.

Al-watwan : Une rumeur dit les exportateurs se seraient passé le mot pour ne pas acheter la vanille préparée auprès des préparateurs, l’Office et une partie de vos collègues reconnaissent l’existence de ces stocks invendus. Cette rumeur est-elle fondée et pourquoi n’achetez-vous plus de vanille préparée?


S-dj C. : Il est faux de dire que nous n’achetons que de la vanille verte car nous avons financé plusieurs préparateurs et achetons régulièrement à plusieurs préparateurs indépendants. La question du stock mérite d’être abordée avec sérénité. Il est vrai qu’il y a des stocks importants chez les préparateurs indépendants actuellement, certains commencent à paniquer car ils n’ont pas l’habitude de garder un stock trop longtemps. Mais il n’y a pas péril en la demeure, à ce stade. C’est une question de marché international qui obéit aux lois de l’offre et de la demande que nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer. C’est une question de compétitivité et d’opportunité de marché. Il nous faut avoir la capacité d’analyser l’offre mondiale afin de pouvoir anticiper sur la prochaine récolte. C’est pourquoi nous disons que l’Office a commis une faute monumentale en fixant une structure de prix unilatérale en 2019 complètement déconnectée des réalités du marché. Il a mis en péril toute une filière, il doit en assumer les conséquences.

Al-watwan : Pourtant il y a un Observatoire des prix et l’Onav dit travailler avec le Centre du commerce international à Genève justement pour être à jour sur les prix?


S-dj C. : C’est un observatoire d’intox qui distille des informations erronées et totalement obsolètes. Il annonce pour cette campagne les prix qui se sont pratiqués il y a deux ans sans tenir compte de la tendance baissière du marché amorcée depuis 2018.
Du coup la plupart des préparateurs indépendants ont bloqués leurs stocks et ont refusé, au moment où il y avait des opportunités, de négocier en deçà des prix annoncés par Aboubacar Abdoulwahab. Seuls quelques préparateurs réalistes et ont vendu leurs stocks après une analyse de leurs charges et marges. Le niveau de prix pratiqué aujourd’hui est tout à fait acceptable. Dans le fond les préparateurs sont des hommes d’affaires qui brassent des centaines de millions. Ils sont capables d’analyser leurs prises de risque et leurs engagements financiers.
C’est donc tout à fait absurde de vouloir transférer la prise de risque des préparateurs aux exportateurs et prétendre qu’il y a un accord tacite de ne pas acheter. Si un exportateur de vanille n’achète pas la vanille il achètera quoi?
C’est un marché de matières premières qui fluctue au gré de la loi de l’offre et de la demande. Le directeur de l’Onav a été mal avisé de ne pas suivre les conseils du chef de l’Etat qui avait dit très clairement et avec pédagogie à Dibwani que “la vanille est une matière première comme le pétrole, le prix peut baisser ou augmenter au gré du marché mondial”.


Al-watwan : A vous entendre, tous les maux que traverse la filière seraient dus à la gestion du patron de l’Onav, or c’est exactement ce qu’il vous reproche.


S-dj C. : Le directeur de l’ Onav se trompe car l’Etat ne taxe pas à l’export les produits. Ce serait un non-sens. Quand le marché était haussier nous avions prévu une contribution au budget de l’Etat, maintenant que la tendance s’inverse naturellement cette contribution diminuera ou disparaitra. Ce n’est pas cette petite contribution qui bloque les exports, mais c’est la structure de prix en dehors des clous du marché qu’il a élaboré et fais signer à des ministres qui nous enlève toute compétitivité. Encore un non-sens! J’espère que l’histoire ne va pas se répéter. En effet, en 2004 on avait induit en erreur les autorités en fixant un prix quatre fois plus cher que celui de Madagascar, malgré notre farouche opposition, provoquant la ruine de tous les préparateurs de l’époque.

Al-watwan : En tant qu’exportateur et gros acteur du secteur qu’est-ce que vous proposez?


S-dj C. : Pour que l’Onav soit crédible, elle doit jouer son rôle de régulation et de renforcement des capacités des différents opérateurs de la filière. De plus, il faudrait que ces dirigeants sachent que le Fonds de solidarité pour la filière de la vanille (Fosova) est un fonds interprofessionnel payé par les exportateurs au bénéfice de la filière, et non le budget de fonctionnement de l’Onav. Il serait plus que temps qu’on lève le voile sur la gestion de ces fonds et que les exportateurs puissent jouer leur rôle au sein de cet Office. Le fait que le Fosova soit géré en toute opacité nous a obligés à suspendre nos contributions cette année en attendant l’action du ministère de l’Economie pour plus de transparence.

La principale préoccupation que devrait avoir l’Onav, c’est la diminution de notre offre exportable. C’est une action d’envergure qui doit mobiliser les opérateurs et l’Etat dans un plan d’action cohérent, consensuel et cofinancé au lieu des petites mesures que le directeur de l’Onav prend tout seul. L’enjeu est de taille. Aujourd’hui les gros acheteurs industriels ont déserté notre marché au motif que nos quantités ne peuvent plus satisfaire leurs besoins. Il nous faut revenir aux cent cinquante tonnes que les Comores exportaient dans les années 2000.

Al-watwan : Vous parlez de quantité, qu’en est-il de la qualité qui a longtemps fait la fierté de la vanille comorienne?


S-dj C. : Des raisons de santé publique ont conduit l’Etat à introduire des moustiquaires imprégnées dans le pays, si cela aide dans la lutte contre le paludisme, cela constitue une grave menace de contamination de notre vanille. Il en va de même pour l’introduction de nombreux pulvérisateurs et de nombreux pesticides en milieu agricole dans les zones de cultures vivrières.
L’Onav devrait bénéficier de l’appui de l’Inrape pour sensibiliser les producteurs et les préparateurs sur le bon usage de ces produits et sur le contrôle aux frontières des pesticides qui entrent dans notre pays. En effet, si les Comores ont réussi à tirer leur épingle du jeu jusqu’à présent, c’est bien parce que le pays a toujours privilégié la qualité. Il ne faudrait pas que ces pesticides viennent altérer notre réputation sur le marché du Bio pour lequel nous conservons une part importante de notre production et pour lequel nous avons consenti beaucoup d’effort pour l’obtenir.
De même, il ne faudrait pas que des improvisations mettent en danger la réputation de notre qualité à l’extérieur car si nous ne faisons pas suffisamment attention, nous mettrons sur le marché international des produits non conformes aux normes généralement admises.

 

 

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