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Câest ce que lâon pourrait qualifier de rĂ©ouverture de la boite de Pandore. En effet, dans le cadre de son programme dâactivitĂ©s pour lâannĂ©e 2017, la Section des Comptes de la Cour suprĂȘme va ouvrir des enquĂȘtes sur les personnes impliquĂ©es dans la gestion du Programme de citoyennetĂ© Ă©conomique sur la pĂ©riode allant de 2008 Ă 2015. Parmi les personnalitĂ©s qui devront ĂȘtre entendues dans le cadre de cette enquĂȘte, lâancien directeur national de la SĂ»retĂ© du territoire au ministĂšre de lâIntĂ©rieur (Dnst) et actuel dĂ©putĂ© de la circonscription de Bandrani Ă Ndzuani, Abou Achirafi. A cet effet, la Cour suprĂȘme a dĂ©jĂ saisi le prĂ©sident de lâassemblĂ©e nationale afin que le dĂ©putĂ© soit informĂ© et prenne contact avec le greffe de la section des comptes dans les meilleurs dĂ©lais.
Dans cette affaire de "vente illicite" de passeports dâautres personnalitĂ©s publiques avaient Ă©tĂ© entendues. Câest le cas de lâancien ministre de lâIntĂ©rieur, Ahamada Abdallah et de son directeur de cabinet, Abbas Mohamed El-Had ou encore de lâancien consul de l'Union des Comores Ă DubaĂŻ, Abdillah SaĂŻd Soilihi, pour ne citer que ceux-lĂ .
Ce nâest pas la premiĂšre fois que cette cour essaye de dĂ©mĂȘler cet Ă©cheveau quâest la gestion du programme dit de CitoyennetĂ© Ă©conomique. Rappelons quâen 2013 suite Ă une enquĂȘte entreprise sur les fonds de la citoyennetĂ© Ă©conomique, lâex-patron de la Dnst Ă©tait entendu et placĂ© en dĂ©tention provisoire. Cette enquĂȘte rĂ©vĂ©lait de la vente de sept cent passeports comoriens quâon soupçonne avoir Ă©tĂ© vendus illĂ©galement Ă des Ă©trangers pour une valeur dâun peu plus de 2 milliards de francs comoriens. Mais aprĂšs cinq mois de procĂ©dure, Abou Achirafi allait bĂ©nĂ©ficier, dâune libertĂ© provisoire sous caution. Et se portera lâannĂ©e suivante, candidat aux lĂ©gislatives pour le parti au pouvoir Ă lâĂ©poque.
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Le cas le plus retentissant
Lâancien patron de la Dnst nâest certainement pas le seul qui va devoir sâexpliquer auprĂšs de la cour. DĂ©jĂ en 2013, conformĂ©ment aux dispositions de lâarticle 172 de la loi organique relative Ă la Cour suprĂȘme, avait entendu les anciens ministres des Finances et du budget, Mohamed Bacar Dossar et Hassane Hamadi respectivement actuels ministre des Affaires Ă©trangĂšres et gouverneur de lâĂźle de Ngazidja. La Cour suprĂȘme sâĂ©tait, en effet, saisie de lâaffaire aprĂšs la sortie mĂ©diatique, en aout 2013, de lâancien prĂ©sident de la RĂ©publique, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, qui avait dĂ©clarĂ© avoir laissĂ© «plus de 11 milliards de francs issus de ces fonds» dans les caisses de lâEtat au «moment de son dĂ©part le 26 mai 2011». RĂ©ponse du berger Ă la bergĂšre, les vice-prĂ©sidents en charge des Finances et de lâamĂ©nagement du territoire du gouvernement Ikililou Dhoinine, successeur de Sambi, Mohamed Ali Soilihi et Nourdine Bourhane, allaient intervenir Ă la tĂ©lĂ©vision nationale pour «dĂ©mentir» les propos de lâancien chef de lâEtat.
Si le cas Abou Achirafi reste le plus retentissant, il ne semble ĂȘtre, nĂ©anmoins, que la partie visible de lâIceberg dans les malversations supposĂ©es entretenues dans ce programme dit de citoyennetĂ© Ă©conomique en Union des Comores, de puis la promulgation en 2008 de la loi instituant ce systĂšme de vente des passeports comoriens Ă des Ă©trangers.
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Car il y a le programme «officiel» de vente des passeports comoriens aux apatrides koweitiens (Bidoun), qui aurait Ă©tĂ© pilotĂ© dans lâopacitĂ© totale, car non budgĂ©tisĂ©, par lâhomme de confiance de lâex-prĂ©sident Sambi et patron du Holding Cgh (Comoro gulf Holding), Bashar Kiwan.
De lâargent qui aurait transitait directement dans des comptes dont seul lâhomme dâaffaire franco-syrien avait le contrĂŽle.Difficile donc de connaitre les sommes exacts gĂ©nĂ©rĂ©es par ce programme durant ces huit derniĂšres annĂ©es. Seuls chiffres jusquâici rendus publics de façon officielle : 200 millions de dollars, soit plus de 70 milliards de francs, suite Ă la vente de passeports comoriens Ă cinq cent soixante familles Ă©trangĂšres sur les quatre mille prĂ©vues dans le cadre dudit programme. 25 millions de dollars avaient Ă©tĂ© affectĂ©s comme aide budgĂ©taire et 175 millions pour la rĂ©alisation de grands projets dâinfrastructure.
Le 20 juin 2009, un accord avait mĂȘme Ă©tĂ© signĂ© par le gouvernement comorien et la SociĂ©tĂ© Combined Groupe Contracting Co (K.s.c.c) pour la crĂ©ation de la sociĂ©tĂ© «Comoros combined groupe», supposĂ©e mener les travaux des infrastructures nationales. La Section des comptes, dans le cadre de ses nouvelles investigations, pourrait ĂȘtre menĂ©e Ă Ă©claircir ce qui apparait comme un grand flou en Ă©largissant son enquĂȘte au-delĂ de la casse quâaurait perpĂ©trĂ© lâancien directeur nationale de la sĂ»retĂ© du territoire.
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26 milliards francs
«Les revenus de la citoyennetĂ© ont Ă©tĂ© particuliĂšrement importants en 2012 et ont jouĂ© un rĂŽle dĂ©cisif dans lâaccession des Comores au point dâachĂšvement de lâIppte. JusquâĂ un point que nous nâimaginions pas, mĂȘme dans le courant de lâannĂ©e 2012», sâĂ©tait risquĂ© Ă estimer, en mars 2013, le reprĂ©sentant rĂ©sidant du Fonds monĂ©taire international aux Comores, RenĂ© FiĂ©vet.
En 2013, une mission du Fmi avait levĂ© un coin du voile et montrĂ© lâimportance quâaurait jouĂ©e cette manne dans lâaccession des Comores au point dâachĂšvement de lâIppte (Initiative pays pauvres trĂšs endettĂ©s). Câest ainsi que le Fmi avait donnĂ©, annĂ©e par annĂ©e, la part des revenus issus du Programme de citoyennetĂ© Ă©conomique dans le Produit intĂ©rieur brut de 2009 Ă 2012 : en 2009, les revenus issus du programme Ă©taient de lâordre de 1,5 pour cent du Pib. En 2010, ces revenus reprĂ©sentaient 1,8 pour cent du Pib. 2011, la part de ces revenus Ă©tait de lâordre de 4,0 pour cent du Pib. Et enfin, en 2012, point culminant de ces recettes exceptionnelles, les revenus du programme ont reprĂ©sentĂ© 5,6 pour cent du Pib. AprĂšs calcul, ces chiffres font ressortir un montant total de plus de 26 milliards francs, soit les revenus issus de la citoyennetĂ© sur la pĂ©riode de 2009 Ă 2012.
Lâopinion se souviendra, peut-ĂȘtre, des 6 milliards de francs qui avaient financĂ©s la premiĂšre phase de rĂ©habilitation, soit 41 kilomĂštres de tronçons, des routes au niveau des trois Ăźles. PremiĂšre phase financĂ©e Ă partir des ressources issues du fonds de la citoyennetĂ© Ă©conomique. Mais cela semble ĂȘtre loin du cas du reste du pactole qui serait «dissimulé» croient savoir certains dans quelques paradis fiscaux.
Le contexte
La loi (n°08-014/Au) sur la citoyennetĂ© Ă©conomique a Ă©tĂ© «adoptĂ©e» de maniĂšre on ne peut plus controversĂ©e le 27 novembre 2008 par le parlement, par dix huit dĂ©putĂ©s sur les trente trois de lâassemblĂ©e nationale. Le texte, dans sa version finale, avait stipulĂ© que âlâacquisition de la citoyennetĂ© Ă©conomique par dĂ©cision de lâautoritĂ© publique rĂ©sulte dâune dĂ©cision accordĂ©e Ă la demande dâune personne majeure ayant la qualitĂ© de partenaire Ă©conomique du gouvernement des Comores».
Force est de constater que les personnes dont on a vendu les passeports comoriens sont loin dâĂȘtre les âpartenaires Ă©conomiques» indiquĂ©s dans la loi. Ainsi une Commission nationale indĂ©pendante a Ă©tĂ© mise en place au mois dâoctobre 2011 (DĂ©cret N°11-215 du prĂ©sident de lâUnion).
Composée de sept membres, elle devait recevoir les demandes des potentiels «partenaires économiques» souhaitant acquérir la nationalité comorienne. Mais la réalité est tout autre, la plupart des acheteurs de passeports comoriens ne roulaient pas carrosse comme on a voulu le faire croire.