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La collecte des recettes budgĂ©taires et leur utilisation Ă travers lâexĂ©cution de la loi de finances, constitue un Ă©lĂ©ment central des politiques publiques dâun gouvernement. Aussi, celles-ci doivent faire lâobjet dâun travail rigoureux aussi bien dans la prĂ©paration, le suivi en exĂ©cution, que lors de lâĂ©valuation a posteriori pour en tirer les leçons pour lâavenir.
La rĂ©cente rĂ©vision de la loi de finances 2017 illustre la nĂ©cessitĂ© de la bonne prĂ©vision des recettes budgĂ©taires, quâelles soient fiscales ou non fiscales. Il nâest pas inhabituel que le cadrage budgĂ©taire dâun pays soit revu Ă la hausse ou Ă la baisse pour tenir compte des fluctuations de la conjoncture et son impact sur les recettes effectivement collectĂ©es mais aussi pour rĂ©pondre Ă des besoins inattendus en dĂ©penses (Ă©vĂšnement politique, climatique, conflit armĂ©âŠ). Sauf Ă©vĂšnement exceptionnel, la bonne qualitĂ© de la prĂ©paration budgĂ©taire doit normalement limiter lâimportance de la rĂ©vision budgĂ©taire.
Trois paramĂštres doivent ĂȘtre notamment prises en compte lors de la prĂ©paration du budget dans la prĂ©vision de recettes qui doit ĂȘtre Ă©tablie par nature dâimpĂŽt et non pas sur un montant global de recettes escomptĂ© ex nihilo. Il sâagit :
- des perspectives économiques et leurs impacts sur les recettes ;
- les mesures de politique fiscale nouvelles ;
- et enfin lâamĂ©lioration de la performance escomptĂ©e des administrations de recettes.
Pour ĂȘtre efficace, la prĂ©vision des recettes budgĂ©taires doit sâinscrire dans le respect des grands principes de finances publiques notamment ceux de lâunitĂ© et de lâuniversalitĂ© budgĂ©taires. Elle doit aussi se faire sur des bases rĂ©alistes en visant lâexhaustivitĂ© des recettes en distinguant clairement recettes cash, recettes dâordre et recettes rĂ©sultant dâopĂ©rations dâannulation de dettes croisĂ©es.
En effet, il est essentiel que les prĂ©visions de recettes soient Ă©tablies sur lâempirisme et non pas sur lâintĂ©gralitĂ© dâun potentiel fiscal estimĂ© aussi justement soit-il. Il est tout Ă fait exceptionnel que lâintĂ©gralitĂ© dâun potentiel soit atteint mĂȘme pour des administrations fiscales extrĂȘmement performantes. La progression de la performance dans la collecte des recettes est nĂ©cessairement graduelle.
Par expĂ©rience, on sait que gagner 1 Ă 2 points de pression fiscale en une annĂ©e constitue une amĂ©lioration significative de la performance mĂȘme pour une administration qui met effectivement en place des rĂ©formes. Les Ă©volutions enregistrĂ©es par Maurice, les Seychelles ou encore le Cap Vert, pays qui ont pourtant connu des transitions fiscales importantes au cours de ces quinze derniĂšres annĂ©es, reflĂštent cette incontournable rĂ©alitĂ©.Â
La prĂ©vision des recettes budgĂ©taires est un exercice avant tout technique, une fois les propositions de mesures de politiques fiscales arrĂȘtĂ©es, qui relĂšvent plus de la sphĂšre politique. En effet, il sâagit sur la base des constats passĂ©s, de prendre en compte les incidences attendues de la conjoncture macroĂ©conomique et des perspectives mais aussi dâĂ©valuer la performance Ă attendre des administrations fiscales. Il ne sâagit pas uniquement des performances financiĂšres mais avant tout en termes dâactivitĂ©s, impĂŽt par impĂŽt, dans les diffĂ©rentes actions que doit conduire lâadministration fiscale dont notamment lâidentification des contribuables, le suivi dĂ©claratif, le contrĂŽle de lâassiette et enfin le recouvrement.
De maniĂšre plus concrĂšte, constater par exemple quâune partie des importateurs en douane rĂ©guliers ne sont pas immatriculĂ©s par lâadministration fiscale doit conduire Ă la prise de mesures visant Ă leur immatriculation sur la base de renseignements ou du croisement des informations (1).
La mise en Ćuvre de ces mesures doit faire lâobjet dâun suivi statistique rĂ©gulier pour en mesurer lâefficacitĂ©. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©e, le constat dâune forte dĂ©faillance dĂ©clarative des contribuables dĂ©jĂ immatriculĂ©s doit immĂ©diatement se traduire par une politique de mises en demeure des dĂ©faillants et au besoin leur taxation si les dĂ©clarations ne sont pas dĂ©posĂ©es. Des indicateurs rĂ©pondant aux standards internationaux rendent compte de la performance relative dâune administration et constituent des facteurs dâalerte (2).
En conclusion, le pilotage des administrations de recettes et plus largement celui des finances publiques et celui de la prĂ©vision de recettes en amont, doivent ĂȘtre conduits sur la base de la collecte et lâexploitation dâinformations statistiques rendant compte prĂ©cisĂ©ment de lâefficacitĂ© des administrations et des activitĂ©s rĂ©alisĂ©es pour en amĂ©liorer les performances. Ils ne doivent pas ĂȘtre circonscrits Ă lâexigence dâun montant de recettes attendues. Il est significatif que le Ministre des finances ait pris la mesure de cette difficultĂ© en sâinvestissant personnellement dans la mise en Ćuvre des recommandations des rapports dâassistance technique. Â
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Michel Bua et Ibrahim Ahamada
(1) lâinformation entre administrations et donc une meilleure maitrise du fichier des contribuables.
(2) Par exemple, un taux de dĂ©pĂŽt des dĂ©clarations Ă lâĂ©chĂ©ance infĂ©rieur Ă 95% pour les grands contribuables constituent un facteur dâalerte, de mĂȘme le ratio valeurs importĂ©es / PIB produit par la douane doit faire lâobjet dâun suivi attentif comparĂ© avec des pays aux caractĂ©ristiques analogues.