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«Soeuf Elbadawi fragments I 2003-2023» I Quand le poète s’attache à sa terre

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En sept entretiens recueillis ces vingt dernières années, il questionne la mémoire, le destin de son pays et cherche à panser les maux qui le rongent

 

Publié aux éditions 4 Etoiles, «Soeuf Elbadawi fragments I 2003-2023» est un ouvrage fait d’une compilation de sept entretiens recueillis par des journalistes et des critiques sur différents supports.Le livre tourne autour de l’archipel que l’auteur ne cesse de questionner tout au long de son parcours. En sa qualité de poète, dramaturge, chanteur, photographe, metteur en scène, il amène le lecteur à se poser des questions sur l’expérience coloniale dans son pays, à commencer par l’histoire des mercenaires français de Bob Denard.

Porter un nom comme on porte un fardeau

Il pousse sa démarche jusqu’à interroger le nom du pays que certains de ses compatriotes auraient du mal à digérer.«Nous portons notre nom français comme un fardeau [...] alors qu’à l’origine les navigateurs parlaient de Djuzr’ul’Qamar, le pays de lune. En fait, tout dépend de qui raconte». L’Etat français, lorsqu’il s’empare du nom de l’archipel, reprend l’appellation «Comores» des anciens Portugais, une réinterprétation du Djuzr’ul’Qamar des marins arabes, à son profit, «comme une sentence condamnant ces îles dans l’imaginaire colonial. Elle les fait ressentir à rien. «Comoriens», comme-rien. Nos maîtres les plus récents, nous renvoient ainsi à l’article de la mort», fustige Soeuf Elbadawi (P. 117), avant de constater que même le nom attribué à la capitale comorienne par les Français résonne avec la mort : «Moroni sonne comme «mort-au-nid», comme une cité mort-née, alors même que la tradition parle encore de «Un-droni», la ville où l’on est bien».

«Entendre ceux que personne n’interroge»?

Plus globalement, Soeuf Elbadawi aborde la question du rapport à la mémoire archipélique. Le fait que personne dans les médias occidentaux ne s’intéresse au cimetière marin du Visa Balladur lui pose problème. Les milliers de victimes sacrifiées entre Ndzuani et Mayotte à cause d’une frontière inique française le révolte. Dans un entretien accordé à Putsch, média en ligne, Matteo Ghisalberti lui pose la question de savoir pourquoi les intellectuels comoriens ne disent mot sur la question de Mayotte. «Comment voulez-vous entendre ceux que personne n’interroge? Ils ne sont tout simplement pas audibles. Les enfants de Goliath prennent toute la place à l’écran. Ceux de David cherchent encore leur chemin de parole», répond-il. «Nous montrons la lune du doigt, et les medias se contentent de commenter le doigt au lieu de fouiller dans l’arrière-cour pour révéler ce qui devrait pourtant paraître évident. Nous espérions que les médias, pour une fois s’attacheraient à remuer cette m… que la France se refuse à ramasser dans la cours de nos vieux parents».


La question de Mayotte occupe une grande place dans les sept entretiens contenus dans cet ouvrage, à l’image de ses précédents Obsessions de lune/ Idumbio IV (Bilk & Soul) ou encore Un dhikri pour nos morts, la rage entre les dents (Vents d’Ailleurs) notamment. Ces deux derniers ont d’abord commencé sur les plateaux avant de finir en livre. Dans ces Fragments, Soeuf Elbadawi s’occupe de raviver les douleurs autour des morts du Visa Balladur que l’écrivain camerounais, Rémi Tchokote, assimilait, récemment encore, à un génocide. «Maore signale notre épuisement à tous. Il signifie notre lente deshumanisation. Reste à savoir où cela va nous mener au final? Il y a quelque chose de l’ordre du renoncement dans notre rapport à cette île, alors que même notre vie toute entière en dépend», lance Soeuf Elbadawi, sur un ton plutôt désespéré.

20 ans, la même personne, les mêmes convictions…

Quitte à paraitre redondant, l’auteur de La fanfare des fous (Komedit) ne tergiverse pas sur les mots. A travers son écriture multiforme, Soeuf Elbadawi semble en accord avec lui-même. La même personne, les mêmes convictions, vingt ans, voilà ce qu’il a cherché à pointer du doigt. Contre vents et marées, il place son pays au centre de ses réflexions et questionnements.Cela lui a même valu «l’exclusion par un ambassadeur français aux Comores des institutions françaises durant dix ans». Pour avoir dit «non à l’occupation française sur l’île comorienne de Mayotte» à l’occasion d’une performance de rue en 2009. L’incident est mentionné dans l’avant-propos.En dépit de tout, on a l’impression que Soeuf Elbadawi parle à des sourds-muets. Pendant qu’il continue à questionner les maux qui rongent ce pays, personne ne semble vouloir bouger le petit doigt.


En cela, il rejoint des auteurs qui ont également planché sur ces questions, notamment les Comoriens Anssoufoudine Mohamed, Saindoune Ben Ali, la Française Patricia Janody et le Camerounais Rémi Tchokote, avec son récent ouvrage Entré en tant que cousin, sorti en tant que gendarme (Brill).Dans un entretien accordé à Al-Watwan, Soeuf Elbadawi, en dramaturge, reconnaît parler à des sourds, mais qui ont la conscience pleine. «Les Comoriens comprennent, mais se taisent. Il y a de la rancœur, du ressentiment, de la souffrance et de l’amertume dans nos vies», estime l’écrivain. Il pense au pire pour la fin, sans doute.A Ntsaweni, une agglomération du centre-nord de l’île de Ngzidja, ce 11 février, Soeuf Elbadawi, présente ces fragments publiés par les éditions Quatre étoiles, à travers un atelier intitulé «Lecture du monde», dont l’objet principal s’articule autour de «la nécessité de l’écriture, du questionnement autour de la mémoire archipélique».
Une autre manière peut-être de faire acte de citoyen…

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