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Patrimoine culturel I Nkoma : plongée dans une tradition ancestrale en péril

Patrimoine culturel I Nkoma : plongée dans une tradition ancestrale en péril

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Dans un monde en constante évolution, certaines pratiques, danses et chants traditionnels sont sur le point de disparaître. Le «Uvamba» à Sima, le «Trimba» à Nyumakele, et le «Nkoma» à Wani font partie de cette longue liste de rites à Ndzuani. Dans ce reportage, Al-watwan vous emmène dans l’histoire mystérieuse d’une pratique jugée controversée, qui s’efface lentement.

 

Le Nkoma, qui se déroule tous les trois ans à Wani, a eu lieu pour la dernière fois en 2022. Pour comprendre cette tradition, nous nous sommes rendus au quartier Kilengeni, au cœur de la médina Wanienne, où Al-watwan a rencontré Idhirari, qui nous a ensuite dirigés vers Ali Bacar. C’est l’un des organisateurs du Nkoma, réputé aussi pour sa maîtrise du massage kinésithérapeutique traditionnel. À travers ses explications, nous avons recueilli des récits personnels et des souvenirs qui éclairent cette pratique, initialement organisée à Jimlime.


Le Nkoma est avant tout une tradition familiale, transmise de génération en génération dans la famille d’Ali Bacar. Très jeune, ce sexagénaire a été initié à cette pratique au sein de sa famille. Il est « le cœur du Nkoma », le « shrotsa-shimambi », comme l’était son père avant lui. « J’ai trouvé le Nkoma à la maison dès mon plus jeune âge. Sans moi, le Nkoma ne peut pas avoir lieu. Je suis le seul à connaître l’endroit où il faut immerger l’offrande. J’ai hérité cela de mon père. Avant moi, c’était lui qui était chargé d’offrir les offrandes. À un certain âge, mon père m’a passé le relais, et j’ai dû suivre un rituel pour cela. Le prochain doit obligatoirement être un membre de la famille. Le Nkoma est avant tout une affaire de famille », révèle Ali Bacar, aujourd’hui âgé de soixante-sept ans.

De père en fils

«À l’époque, nos ancêtres cultivaient de la vanille, du copra, du riz, entre autres, mais les récoltes étaient souvent ravagées par des nuisances et la chaleur. À l’origine, ce sont des djinns (esprits) qui étaient à l’œuvre. Pour sauver nos cultures, un rite devait avoir lieu à Binti-rasi, au bord de la mer, tous les trois ans. C’est ainsi que le Nkoma est né, tel que nous l’avons hérité de nos ancêtres. La pratique a débuté à Comboni, à Jimlime, dans les hauteurs de l’ancien Basra, l’actuelle ville de Wani. De là provient le refrain d’une chanson qui dit «mulo li tsonga Jimlime» [vous êtes allé chercher la dispute à Jimlime]. Comme Bwankoma était éloigné, nous avons demandé à ce que l’organisation soit plus proche. L’endroit avait deux grands arbres, où les personnes possédées pouvaient grimper jusqu’en haut. Elles étaient suspendues, la tête tournée vers le sol», raconte Ali Bacar.

 

Le Nkoma est ouvert à tous. Selon notre interlocuteur, les Comoriens affluaient de tout le pays pour prendre part à cette manifestation. Des autorités étaient présentes et participaient même aux frais d’organisation. «Avant le début du Nkoma, il y avait de grandes prières qui étaient exaucés très rapidement. Ensuite, il y avait de la danse, du Mdandra. Il fallait toujours avoir des bœufs pour la consommation. La nourriture servait également d’offrande pour les esprits. Une offrande devait être préparée et laissée couler dans un endroit très précis au fond de la mer. Si cet endroit était raté, c’était une perte totale de la récolte, car l’offrande était renvoyée sur terre. Si l’événement était réussi, nous avions de bonnes récoltes, une bonne pêche et des bénédictions. L’événement rassemblait des milliers de personnes venues de tout le pays», ajoute-t-il.

Une pratique haram

L’événement, qui a lieu à Binti-Rasi, (siège de l’ancien «Projet cocotiers», du côté nord de l’aéroport de Wani), risque de ne plus exister. Les hommes et les femmes qui sont derrière l’organisation sont très âgés, et certains, comme Ali Bacar, sont découragés par les offenses. «Nous avons reçu de nombreuses insultes. L’un des grands arbres qui nous servait a été brûlé par des individus sans conscience. Après cela, nous avons communiqué avec les esprits pour savoir si nous pouvions continuer le Nkoma. Ils ont répondu. Peu de temps après, des élèves du collège ont commencé à être possédés par ces esprits. Le besoin de continuer le Nkoma est là. C’est une tradition et nous devons la préserver. Il est donc très triste et déconcertant de voir que Wani pourrait abandonner cette tradition, alors que celle de Sima et de Nyumakele persiste et est préservée. Tout cela a contribué à notre décision d’abandonner le Nkoma. C’est très douloureux», déplore-t-il.


Le fait est que la pratique du Nkoma est assimilée par beaucoup à de l’idolâtrie, qui est un grand péché en islam. L’extraction du sable marin dans la zone met également en difficulté son organisation, en raison des pierres qui ont remplacé le sable de la plage et de la montée du niveau de la mer. «Des gens pourraient se blesser gravement avec les cailloux. La montée des eaux gagne également de plus en plus de terrain. Pour changer le lieu de l’organisation, il faudrait consulter les djinns», explique Ali Bacar. À Wani, le sujet ne fait pas l’unanimité. De nombreuses personnes disent y avoir participé au moins une fois. Certains, très jeunes, ne se rappellent presque plus de rien. D’autres affirment n’y être jamais allés, arguant que «la pratique est haram [illicite]».

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