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Mohamed Bajrafil au sortir du festival des arts contemporains des Comores I «La Culture construit des ponts là où la politique construit des guerres»

Mohamed Bajrafil au sortir du festival des arts contemporains des Comores I «La Culture construit des ponts là où la politique construit des guerres»

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L’ambassadeur des Comores à l’Unesco revient sur ce que son pays peut gagner à travers cette instance onusienne, l’importance de l’inscription des médinas des Sultanats historiques des Comores sur la liste du patrimoine mondial, la nécessité d’ouvrir un lycée technique et professionnel et, surtout, sur l’idée qu’il se fait des arts et de la Culture

 

En tant qu’ambassadeur des Comores à l’Unesco, quels sont vos projets en soutien aux arts, à la Culture et à l’éducation aux Comores 


Il y a plein de choses en perspective et certaines ont déjà été engagées. La première activité réalisée est le premier Salon international sur la «handicapacité» en marge de l’organisation des Jeux paralympiques. Ce terme de «handicapacité a été créé pour contribuer à changer la perception que les gens ont des personnes handicapées. Nous ne devons pas considérer le handicap comme un défaut mais plutôt comme une différence.


Dans cet élan, les Comores ont organisé, le 9 septembre dernier, une journée à l’Unesco qui a vu la participation de cent pays et entre mille et deux mille personnes dans la salle principale de l’Unesco. Ce qui a donné une dimension grandiose à l’évènement. C’est par cette conférence que nous avons voulu fermer les JO en beauté.Pour y parvenir, il nous a fallu un grand travail de mobilisation, de diplomatie. Nous avons eu énormément de partenaires internationaux et de stars internationales comme Yannick Noah.


Après, il est question de continuer dans ce sens et j’espère que dans les semaines qui viennent je vais pouvoir associer à cet évènement, les autorités comoriennes du secteur des sports et du handicap. Nous avons formulé le vœu de pouvoir organiser régulièrement cet évènement à travers des conférences.C’est une des choses que nous avons organisées qui peuvent mettre en lumière le pays au niveau international à travers des défilés de mode sur les habits comoriens et sur un style comorien. Maintenant il est question pour les Comores de prendre le leadership dans cet évènement et de l’organiser tous les deux ans.Le but de ma délégation à l’Unesco c’est de faire connaitre le pays à travers l’art, la Culture, l’éducation et le sport.

Pensez-vous que le dossier d’inscription des Sultanats historiques des Comores au patrimoine mondial de l’Unesco soit en bonne voie?

La constitution de ce dossier a commencé il y a vingt ans. Le label qui mobilise au monde en matière d’histoire et de culture est celui du patrimoine. A l’heure actuelle, il y a neuf cent sites classés comme patrimoine mondial et les pays qui n’en ont pas sont rares.L’inscription des médinas des Sultanats historiques des Comores c’est comme si les Coelachanthes arrivaient en finale de la Coupe d’Afrique des Nations de football. Avoir un patrimoine inscrit c’est un top. Leur inscription fera que les gens viendront du monde entier pour visiter ce patrimoine à la richesse inestimable. C’est quelque chose de particulièrement grand et j’espère que nous allons avoir l’adhésion de l’ensemble du peuple comorien puisque c’est quelque chose qui dépasse de loin les clivages politiques, régionaux. C’est quelque chose de fédérateur, nous allons pouvoir dire que nous aussi, nous comptons. J’ai demandé à ce que le dossier soit clôturé en décembre pour un dépôt le 1er février prochain. Quant à l’inscription, elle se fera en 2026.


La réussite de l’inscription repose, pour près de 40 % sur le côté technique et le reste sur le lobbying qui n’est autre que l’engouement que manifeste le pays pour la question.Il faudra que les autorités du pays jouent le jeu quel que soit leur couleur politique. Il faudra, naturellement, que le président de la République s’en fasse le chevalier mais aussi que l’ensemble des institutions du pays soit au même diapason. C’est à cette condition qu’on peut espérer voir l’inscription de nos médinas.


Actuellement, nous avons le soutien d’Oman, de l’Arabie saoudite et de la France pour réussir le côté technique. Maintenant, il faudra que nous prenions le bâton de pèlerin pour convaincre le monde du choix qui sera le leur quand il sera question de voter en 2026.Il nous reste un travail titanesque puisqu’il va falloir organiser des colloques, des sommets, des conférences aussi bien chez-nous qu’à l’étranger. Il sera question de convaincre, d’écrire, de faire de la production touristique, puisque ces éléments doivent être mis en valeur.


Etre ambassadeur à l’Unesco ne consiste pas à arborer une étiquette politique mais à porter son pays à l’international. Ces activités que nous réalisons à l’international ne font pas la réussite du président Azali Assoumani, d’une partie de l’opposition et encore moins la mienne, mais uniquement des Comores.Dans ce dossier d’inscription, nous parlons de tourisme, d’écotourisme, de développement durable. Il est avéré, économiquement parlant, qu’un site inscrit au patrimoine mondial, voie ses visites explosées de 50 % parfois même de 100%. Cette inscription arrive à point nommé et permettra à notre pays tout d’abord de se faire connaitre et pouvoir soutenir son budget tout en créant de nombreux emplois.

Les Comores ont-elles une main d’œuvre suffisamment qualifiées quand il faudra faire face aux retombées touristiques qui vont être générées par cette inscription?


Nous devons rester dans le concret. Il est question, aujourd’hui, de former des jeunes à la restauration des biens des sites des six médinas identifiés à savoir ceux de Ikoni, de Itsandraya, de Moroni et de Ntsudjini à Ngazidja, de Mtsamdu et de Domoni à Ndzuani.Pour commencer, ils vont être formés à Mtsamdu sur les sites du Palais Ujumbe par des experts zanzibarites. Par la suite, ils vont être déployés dans les six médinas pour leur restauration. Il faudra, également, des guides touristiques, des chefs cuisiniers, etc. C’est plusieurs emplois créés.

C’est pourquoi nous devons ouvrir un lycée technique et professionnel. On ne peut pas faire comme si de rien n’était. Cela exige que nous construisons des hôtels, que nous ayons une main d’œuvre qualifiée à travers des formations professionnelles pointues. Nous avons déjà des partenaires qui sont disposés à nous soutenir pour ouvrir des lycées professionnels et pas seulement en lien avec le tourisme. Pour commencer, il sera question de former des formateurs pour ensuite former les élèves pour enfin s’attaquer au chômage par le biais du tourisme.
C’est pourquoi, j’appelle tous les Comoriens à s’investir dans et sur la promotion de ces sultanats qui nous vaudront, certainement, une place au panthéon de l’histoire de notre pays.

Rares sont les institutions comoriennes chargées des arts et de la Culture qui arrivent à bénéficier de subventions de l’Unesco. Que peuvent elles faire pour y parvenir?

L’Unesco fait beaucoup de choses déjà dans l’éducation. Notre rôle à nous, est de servir de courroie de transmission. Lorsque l’Arabie Saoudite et Oman ont apporté leur soutien dans le dossier de Sultanats historiques, j’ai eu à échanger avec nos amis à l’Unesco auxquels j’ai demandé qu’une partie de l’argent soit orienté vers la formation des jeunes. J’ai aussi demandé qu’au moins dans chacun des six sites retenus, il soit créé une maison dédiée à la jeunesse et à la Culture. C’est, donc, en montant des projets dont l’utilité sera reconnue, que nous arriverons à faire en sorte que l’on finance des actions au pays à travers l’Unesco.

Que pensez-vous du reproche, fait par de nombreux acteurs des arts et de la culture, selon lequel l’autorité publique ne manifesterait que peu d’intérêts au secteur notamment en ne lui octroyant un véritable budget pour le soutenir?


On mesure le développement d’un pays à l’aune de son intérêt pour la Culture. Les parents pauvres des secteurs dans les pays en voie de développement ce sont l’éducation et la Culture. Or, plus un pays est cultivé, plus il est apte à se prendre en charge et à se développer. Nous inversons toujours les rôles, en pensant que nous pourrons lutter contre la pauvreté en ayant recours à autre chose qu’à la Culture et à l’éducation.

L’ancien président américain, Abraham Lincoln, celui-là même qui a aboli l’esclavage dans son pays, disait : «Si vous estimez que l’éducation coûte cher, alors essayez l’ignorance». Moi je vous dirais que si vous estimez que la Culture coûte cher, alors essayer l’inculture et vous verrez où ça nous mènera. Il faut que nos autorités comprennent que la Culture c’est le sillon de tout peuple.

Quel votre regard portez-vous sur la Culture au niveau national et quant à son futur?

Je trouve que le peuple comorien est plutôt paradoxal dans son rapport à la Culture. Nous vivons la Culture sans le savoir, sans la nommer et, face à cette absence de conscience, nous lui accordons peu d’importance. C’est ainsi que l’artiste qui, pour moi, est le prophète de la Culture, n’est pas considéré. Le jour où nous arriverons à donner la place qu’il mérite à l’artiste et qu’il pourra vivre de son art, les Comores auront accompli un très grand pas sur le plan culturel et j’espère que par l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco de ces médinas, nous arriverons à faire un pas et avoir un rapport plus prononcé à la Culture. Il nous faut, impérativement, arrêter de sous-estimer l’artiste.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez à l’Unesco ?

Durant deux ans, nous n’avions pas de bureau à l’Unesco avant que le président Azali ne règle la question. Nous avons également recouvré le doit de voter tout comme les autres Nations du monde après que les cotisations aient été réglées. Beaucoup d’argent a été versé à cet effet.

Un dernier mot?

Je me bats pour qu’il y ait un Smic culturel universel. J’ose espérer que parmi les merveilles qui seront apprises aux enfants, les médinas des Sultanats historiques des Comores en feront partie. Aujourd’hui, le monde est au bord d’une troisième guerre mondiale. A mon sens, le seul moyen de lutter contre tout cela c’est d’enseigner la Culture puisqu’elle construit des ponts là où la politique construit des guerres.n

 

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