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Entre art, culture et Madjadjuu I L’alliance qui change tout

Entre art, culture et Madjadjuu I L’alliance qui change tout

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Derrière les bagarres quotidiennes entre jeunes souvent éméchés de ce quartier du sud de la capitale, se profile un panel d’artistes qui tente, vaille que vaille, de donner une autre image d’eux-mêmes. Tant et si bien qu’aujourd’hui on parle plus volontiers de la prestation de B-boy Kama à l’opéra de Paris, des tableaux de Ben Ahmed, d’Afro comoco, du style de rap d’Aydii et des films de Laila Abdou Tadjiri. Certains envisagent même de «faire de leur art, leur métier».

 

Célèbre dans le pays pour ses décentes policières en raison de fortes suspicions de production et de vente de stupéfiants, le quartier Madjadjuu au sud de Moroni, présente, aujourd’hui, une autre image de lui-même à travers l’art, et commence à changer le regard pas très engageant qui est porté sur lui. Si auparavant, nombre de jeunes se retrouvaient à «Plasi yaho walepvi» (= Place des ivrognes) autour, revendiquaient même certains d’entre eux, d’un joint, aujourd’hui, c’est plutôt pour applaudir et partager les pas de danse de B-boy Kama, la coupure de mode de Zaan, la dernière chanson de Aydii Lamany, le coup de pinceau de Ben Ahmed, le slam d’Abdallah Moina Zahnaki, le film de Laila Abdou Tadjiri ou encore les crépitements du photographe, Zoro, pour ne citer qu’eux.


La danse est la discipline la mieux représentée dans ce nouveau quartier de la ville dont le nom, «Madjayadjuuu» (= dépotoir d’ordures) est loin d’attirer les foules. Désormais, de Tshe-za à Uni’son, en passant par King krew et Afro Comoco, ces meilleurs troupes du pays ont, au moins, un ambassadeur du quartier. Conscients de l’image de ghetto que présente leur quartier, les danseurs semblent résolus à s’appuyer sur l’art pour attirer un autre regard sur leur cité.

«De Madjadjuu à l’opéra de Paris»

C’est cet élan qui a conduit Haitham Ben Ali et B-boy Kama à créer le groupe Madjadjuu lors de la première édition du concours Udjuzi à l’issue de laquelle ils ont été finalistes. «Personne ne viendra changer l’image de notre quartier à notre place. Cela me fait mal de n’entendre parler de Madjadjuu que par ses côtés sombres. A Udjuzi, nous avons porté son nom pour montrer qu’ici il n’y a pas que les stups et les bagarres mais aussi de la créativité et des jeunes qui se démènent pour s’en sortir», lance le chorégraphe du groupe Afro Comoco Haïtham Ben Ali.


Et voilà qu’après quelques prouesses au pays, les danseurs de Madjadjuu ont aidé à exporter la danse comorienne. Kamal Mze Mbaba alias B-boy Kama et Big Bendjo ont, ainsi, représenté les Comores à l’île de la Réunion, en France spécialement à l’Opéra de Paris, et en Suède. Accueillis en fanfare au quartier à leur retour de la capitale française, ces «danseurs-engagés» ont gagné le respect de tout un quartier et au-delà. Même que certains d’entre eux rêvent, désormais, de pouvoir vivre «exclusivement» de leur art.


«La danse pour moi va au-delà de la simple passion, elle est devenue un métier avec lequel je compte faire carrière. Au début, mes parents ne voyaient pas d’un bon œil que je m’adonne à la danse, mais désormais, ils sont de tout cœur avec moi. Cela fait plaisir et donne envie de continuer. Ceux qui disent que Madjadjuu se résume à banditisme, c’est parce qu’ils ne viennent jamais ici pour une analyse minutieuse. Désormais, Madjadjuu c’est nous !», déclarait, comme un slogan, B-Boy Kama, peu après le retour au pays. Pour le chorégraphe Seush, il est tout simplement incroyable de voir des danseurs de Madjadjuu sur une scène de l’opéra de Paris. Avec ces prestations, désormais à Madjadjuu plus que tout autre quartier à Moroni, les artistes poussent comme des champignons et influencent de plus en plus de jeunes.

Des artistes comme modèle

«Dans le monde, beaucoup de grands artistes sont nés dans le ghetto. Ce n’est donc pas une surprise si Madjadjuu fait parler de lui dans le monde des arts comoriens. Parfois, c’est dans un environnement hostile comme celui de Madjadjuu que l’esprit artistique trouve la force et l’originalité de la création. Il est donc de notre devoir de soutenir ses jeunes à aller au-delà de leur rêve. Le quartier a aussi changé grâce à l’apport des Djawula de la mosquée de Madjadjuu», a précisé le photographe Mohamed Abdallah dit Zoro.


Bien des artistes de ce quartier sont en train de marquer la scène culturelle aux Comores et de les représenter au-delà de leurs frontières. C’est le cas de la cinéaste Laïla Abdou Tadjiri, les danseurs B-boy Kama, Big Bendjo ou encore le styliste Abdou chakour de la marque Chak’art. De Miss au cinéma, Laïla Abdou Tadjiri a remporté le premier prix du Comoros international film festival et du concours Ecoclip avant de décrocher le prix du meilleur film documentaire au Festival international de court-métrage de Pointe-Noire au Congo. Elle a également représenté les Comores au concours Miss University africa au Nigéria. Autant de modèles à suivre.


«Aujourd’hui, j’ai la possibilité d’ouvrir un atelier ailleurs dans la ville, mais je préfère rester à Madjadjuu pour permettre aux jeunes d’avoir des modèles à suivre et de ne pas tomber de l’autre côté du mur. Si l’homme est le reflet de son milieu, aujourd’hui, les enfants de Madjadjuu ont les artistes comme modèles. Au-delà de la danse où il excelle, le quartier abrite un studio de photographie, un atelier d’art, des ateliers de couture, accueille des cinéastes, des slameurs et des chanteurs. Que rêver de plus?», a conclu le plasticien Ben Ahmed.

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