Sur les cimaises de l’Alliance française de Moroni trône depuis le 1er février dernier l’exposition «Mor-sur» de l’artiste Ben Ahmed. Venu en masse à l’évènement, le public a découvert dix tableaux sur la migration exclusivement à base de recyclage sans, donc, le moindre coup de pinceau. Sans nul doute, une première aux Comores.
A travers des objets de récupération, tels que des moustiquaires en plastique, des tuyaux Pvc, des bouchons en plastique, des gaines éclectiques, du fil de fer et du polystyrène, le peintre et ses oeuvres engagés «déclarent la guerre à la politique schizophrène des gouvernants et aux comportements des peuples des pays en développement qui semblent cultiver les aléas de la migration».
Bon dans un sens, pas bon dans l’autre
«Mes choix sur la migration tout comme le recyclage se sont opérés de façon naturelle. Ce sont deux sujets qui préoccupent le monde par les problèmes qu’ils engendrent. C’est pour moi, un moyen de contribuer à protéger l’environnement et de lancer un cri d’alarme contre les méfaits de la migration», résume l’auteur.Asphyxie, Mirage, Travers-sang, Autori-taire, toutes ces créations racontent «le récit d’un désastre qui met un coup de projecteur sur la traversée et ses sacrifices, les pertes de vies humaines et surtout de connaissance».
Parallèle, quant à lui, soulève le problème du visa et la liberté d’aller et retour. Il souligne le fait que les peuples du Nord se voie accorder le visa vers l’hémisphère sud et sans difficulté aucune et à un moment où le sens inverse est, au minimum un véritable parcours du combattant. Cette difficulté d’obtention du fameux sésame vers l’Europe, en particulier, serait ainsi, «en partie, responsable des pertes en vie humaine dans la méditerranée ou encore au Sahara».
Visa Balladur
«J’ai découvert Ben Ahmed lors de la simulation de l’expo Dubaï et ce qu’il a présenté aujourd’hui avec Mor-sur s’avère complétement diffèrent. Il a réalisé un travail remarquable sur le recyclage. Un travail digne d’une exposition internationale. Je suis complètement sous le charme de ce jeune bourré de talent et je suis persuadé que son entrée dans l’art plastique ne peut qu’enrichir la discipline. C’est un artiste à suivre et je suis déterminé à lui apporter mon soutien», a apprécié le plasticien Napalo.
Pour faire plonger le public au plus profond de la question migratoire, le peintre a invité deux slameurs, Ansoir et Nouria Abdou Tadjiri dit Nounou pour une prestation qui a fait couler quelques larmes. Ils ne pouvaient pas ne pas parler des «cimetières marins» du monde sans mettre l’accent sur celui des Comores, décrit comme une des conséquences de la politique de la France dans la sous-région et de son visa Balladur*.
«Le travail de Ben Ahmed m’a beaucoup ému. Déjà par le fait d’être parvenu à se détacher de son monde pour travailler sur des créations 100% recyclage. Il a pris un grand risque mais il a, à l’évidence, réussi son pari. Quand il a m’a parlé du projet, je lui ai dit qu’il allait faire vibrer le public. Je suis fier car son travail est de très grande qualité et cela mérite des encouragements.
Je ne peux que dire chapeau à cet artiste complet !», devait se réjouir, pour sa part, le peintre Zainoudine El-Abidine Ali alias Picasson*Du nom de l’ancien premier ministre français qui, alors qu’il était en campagne pour la présidentelle française, a introduit l’obligation pour les Comoriens des autres îles de l’archipel des Comores à se munir d’un visa pour entrer dans la quatrième, Mayotte, occupée par son pays.